Automobile : WWF France dénonce l'impact "écrasant" des SUV sur le climat et le budget des ménages
L'ONG française publie deux rapports sur les conséquences environnementales et sociales de ces véhicules grand format qui dominent le marché de l'automobile.
Sus aux SUV. Dans deux rapports publiés mardi 6 octobre, l'ONG WWF France dénonce l'impact "écrasant" des "Sport utility vehicles", des voitures de ville habillées d'une carrosserie de 4x4, sur le climat et le budget des ménages. "La décennie de SUV (2008-2018) qui s'est écoulée a lourdement pesé sur la trajectoire française des émissions de gaz à effet de serre (GES). Au cours des dix dernières années, les SUV ont constitué la 2e source de croissance des émissions françaises", dénonce-t-elle dans le premier rapport, alors que notre pays doit drastiquement diminuer ses émissions pour préserver le climat et respecter l'accord de Paris. A l'hiver 2019, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) avait dressé le même constat au niveau mondial.
C'est justement cette étude de l'AIE qui a inspiré le travail de WWF. "Cela nous a marqués, on s'est demandés ce qu'il en était pour la France", se souvient Pierre Cannet, directeur du plaidoyer au sein de l'ONG. Comme le reste du monde, la France a connu depuis 2008 un boom des ventes de SUV : elles ont brusquement grimpé pour atteindre 38,93% des parts de marché en 2019. Plus imposants, moins aérodynamiques, ces véhicules consomment davantage de carburant et "émettent, à l'utilisation, en moyenne 20% d'émissions de GES de plus que le reste des voitures", dénonce le rapport de WWF.
L'électrification des SUV jugée peu efficace pour le climat
L'ONG a calculé que si les Français avaient acheté à la place de tous ces SUV des voitures classiques, la France aurait émis 0,6 million de "tonnes équivalent CO2" en moins. "Après avoir continûment baissé de 2009 à 2016, les émissions de CO2 moyennes homologuées des véhicules neufs – qui sous-estiment déjà le niveau d'émissions réelles – ne diminuent plus depuis 2016", constate l'ONG.
Comme le montre notre infographie, les chiffres du premier semestre 2020 viennent nuancer ce constat : ces émissions ont nettement chuté, en raison de la menace des amendes européennes et grâce à l'augmentation des ventes de véhicules hybrides ou électriques.
Cette transformation du parc est également abordée dans le rapport. L'ONG a échafaudé plusieurs scénarios pour 2030. Le premier, qui prend le pari d'une poursuite de la tendance actuelle d'augmentation des ventes de SUV, conclut à un "dépassement conséquent" des objectifs climatiques que la France s'est elle-même fixée dans le cadre de sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Le deuxième accompagne cette augmentation des ventes d'une électrification des SUV, avec un effet relativement limité : -14% d'émissions par rapport au premier scénario.
Le SUV électrique n'est pas une solution pour le climat, il faut aller vers des véhicules plus petits.
Jean-Baptiste Crohas, expert mobilité et transports chez WWFà franceinfo
Pour WWF, "le gain d'émissions de GES lié à l'électrification du parc pourrait être largement amplifié si les SUV retournaient à 10% des parts du marché à l'horizon 2030", comme dans le 3e scénario où les ventes de citadines et de berlines, "des véhicules plus légers et moins puissants", comblent le vide laissé par la diminution de la part des SUV. Le quatrième scénario, baptisé "Sobriété", ajoute à la baisse des ventes de SUV et à l'électrification du parc moins de trajets en voiture pour davantage de voyages en transport en commun ou à vélo, et la diminution du nombre de kilomètres parcourus par les Français. Il permettrait au secteur des transports (environ 30% des émissions de GES en France) de rester dans les clous de l'accord de Paris et des objectifs de la France.
Un coût social sur le marché de l'occasion
L'ONG n'a pas voulu se limiter à l'aspect climatique du problème. Le second rapport se penche, lui, sur les conséquences sociales de ces véhicules qui consomment davantage de carburant. L'irruption des SUV sur le marché "pèsera à moyen terme sur le budget des ménages modestes, et créera de nouvelles formes d'inégalités", estime WWF. Elle redoute l'arrivée de ces véhicules sur le marché de l'occasion, où s'approvisionnent principalement les ménages modestes. "Un SUV de moyenne gamme coûte ainsi près de 30% plus cher, à l'achat, qu'une berline de moyenne gamme, et consomme près de 20% plus de carburant", calcule-t-elle.
En partant du principe que les ventes de SUV continueraient de progresser au rythme de ces dernières années – ce qui est loin d'être certain –, l'ONG a chiffré ce surcoût en 2035 à 408 euros par an et par ménage. Un chiffre que WWF compare à celui de la taxe carbone qui avait déclenché le mouvement des "gilets jaunes" : "Nous évaluons que celle-ci aurait eu un impact d'environ 38 euros par an pour ce même type de ménage, soit 12 fois moins."
Un critère de poids dans la fiscalité automobile
Pour inverser la tendance, WWF réclame "une politique ambitieuse" et fait plusieurs propositions, qui recoupent certaines demandes de la Convention citoyenne pour le climat. Contrairement au ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, WWF souhaite par exemple insérer un critère de poids dans la fiscalité automobile, en taxant les véhicules lourds, à partir de 1,3 tonne pour les voitures thermiques et 1,8 pour les voitures hybrides ou électriques.
WWF propose également d'ouvrir la prime à la conversion à d'autres modes de transport "pour permettre la mise au rebut d’un vieux véhicule polluant en échange de 'titres mobilités' (chèque multimodal)" et d'utiliser la participation publique dans les constructeurs français pour orienter ces derniers vers des véhicules plus légers et électriques. L'ONG veut aussi encourager la tarification différenciée du stationnement selon le poids et la taille du véhicule ou encore militer au niveau européen pour la suppression du paramètre "masse" qui favorise les constructeurs de voitures lourdes. Il faut "soulager la France du fardeau climatique des SUV et engager la mobilité dans la voie de la sobriété", plaide ainsi, dans le premier rapport, Véronique Andrieux.
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