Coupes budgétaires à Météo France : "Il va falloir investir dans la puissance de calcul" et préserver "l'humain", plaide la CFDT
Météo France pourrait avoir du mal à prévoir des événements extrêmes à l'avenir, faute de moyens, alerte un rapport sénatorial.
"Si Météo France veut garder son expertise et sa renommée internationale, il va falloir investir dans la puissance de calcul", a affirmé jeudi sur franceinfo Lionel Althuser, représentant la CFDT Météo et agent de Météo France en Île-de-France, alors qu'un rapport sénatorial pointe du doigt les coupes budgétaires drastiques subies par l’organisme public et s’inquiète de ses capacités à prévoir des événements extrêmes à l’avenir, faute de moyens. En 10 ans, 600 postes ont été supprimés chez Météo France et la subvention de l'État a baissé de 20%.
Mais si l'ordinateur est "un outil précieux", Lionel Althuser souligne qu'il faut "l'expertise d'un prévisionniste" pour analyser les modèles numériques. "Il faut savoir quelle sera la place de l'humain plus tard."
franceinfo : Est-ce que Météo France est condamnée si les choses continuent ainsi ?
Météo France est en cours de transformation et cela inquiète quand même pas mal les agents. Ce que l'on nous réserve, ce sont des prévisions automatisées. Et les agents sont inquiets de ces prévisions qui seraient envoyées directement. Par exemple, si vous demandez aux organisateurs de Roland-Garros s'ils seraient contents de ne plus avoir de prévisionnistes sous la main pour gérer la protection des courts de tennis, je pense qu'ils s'inquiéteraient. Ils préfèrent avoir de l'expertise humaine.
Le rapport sénatorial parle de supercalculateurs pour tenter de prévenir les catastrophes climatiques à venir. Est-ce primordial ?
C'est un vrai enjeu. D'ici 2025, il va falloir investir dans la puissance de calcul. On vient d'en renouveler une partie. Maintenant, cela coûte extrêmement cher, mais les Anglais l'ont fait, et à l'international tout le monde le fait. Si Météo France veut garder son expertise et sa renommée internationale, il va falloir investir dans cette puissance de calcul. C'est sûr qu'un ordinateur n'a pas encore l'expertise d'un prévisionniste sur la prévision montagne, par exemple, où il faut de l'expérience. En revanche, un ordinateur permet d'avoir beaucoup plus d'intégration, d'observation, de modélisation et c'est un outil précieux. Il faut savoir quelle sera la place de l'humain plus tard.
Aujourd'hui, est-ce qu'il y a encore des observations qui sont faites à l'œil nu ou par relevés sur le terrain ?
Non, très peu. En revanche, on parle de l'humain pour l'expertise humaine dans les prestations qui sont fournies. Le modèle qui a été utilisé pour supprimer les implantations de Météo France sur le territoire national, c'était un peu le modèle anglais. Les Anglais ont un centre essentiel et ils n'ont quasiment pas de centres dans leur région. Et en France, on s'est dit qu'on pouvait peut-être faire pareil. Mais il n'aura échappé à personne que la géographie de la France n'est pas tout à fait la même que l'Angleterre. Donc la place de l'humain et de l'expertise en prévision, c'est quelque chose qui a bien plus d'importance en France. Il faut analyser, il faut affiner. Et ça, c'est quelque chose que les supercalculateurs ne savent pas encore faire. Dans certaines situations un peu compliquées, et notamment en montagne, l'ordinateur est perdu. Alors que l'humain sait comment réagissent les modèles. Et en fonction de la réaction du modèle, il peut dire, là, le modèle surestime, ou il sous-estime ce qui va arriver. Et c'est donc très important d'avoir une expertise locale.
Les climatologues avec lesquels vous travaillez main dans la main ne sont-ils pas vos meilleurs avocats dans cette affaire ?
C'est certain que dans le cadre des travaux de recherche sur l'évolution du climat, Météo France contribue beaucoup. Météo France contribue notamment au Giec, le Groupement international d'experts sur le climat. C'est un enjeu pour l'avenir que Météo France sache dire, par exemple à des communes, quels sont les enjeux autour du changement climatique pour les vingt prochaines années. Et ça, ce n'est pas un ordinateur qui pourra vous le dire. L'ordinateur peut aider à fournir l'expertise, mais les experts humains seront là pour accompagner les collectivités territoriales ou même l'État si nécessaire.
Avez-vous l'espoir d'être entendus ?
On a été en partie entendus. Cette année, on devait avoir encore 95 suppressions d'emplois en 2022. On n'en a que, si j'ose dire, 60. C'est encore une régression. Donc on le regrette. Mais on espère que dans le cadre du prochain contrat d'objectifs, qui va durer sur les cinq années à venir, on aura une stabilisation des effectifs. Et comme on a perdu presque 800 à 900 emplois sur les dix dernières années, une stabilisation des effectifs, cela nous permettrait de souffler.
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