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Jets privés : "Si les super pollueurs disposent de super dérogations, ça va être compliqué de demander des efforts aux Français", observe un économiste

"S'il n'y a pas un sentiment de justice, ce sera très difficile de faire cette transition" écologique, insiste Lucas Chancel, de l’École d’économie de Paris. Depuis le début de l'été, la pression s'accentue sur les célébrités qui usent et abusent des jets privés.

Article rédigé par franceinfo
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Un jet privé "pollue dix fois plus qu'un avion", avait insisté le secrétaire national d'EELV Julien Bayou qui demande une interdiction pure et simple (illustration). (HERVE KIELWASSER / MAXPPP)

"Nous sommes dans une démesure totale qu'il est urgent de régler", a alerté lundi 22 août sur franceinfo Lucas Chancel, codirecteur du laboratoire sur les inégalités à l’École d’économie de Paris, alors que le ministre délégué des Transports Clément Beaune a déclaré réfléchir à la régulation des vols en jet privé. "Une heure de jet privé va émettre autant de carbone qu'un Français dans sa voiture pendant une année", a-t-il rappelé, appelant à "ne pas braquer les Français à qui l'on demande des efforts".

franceinfo : Est-ce que ce serait utile de réguler les vols en jets privés ?

Lucas Chancel : Sur le fond, nous ne sommes qu'au début des efforts que chacun devra faire pour réaliser cette transition climatique. Pour cela, s'il n'y a pas un sentiment de justice, un sentiment partagé par les Français à qui on va demander des efforts supplémentaires dans les mois, dans les années qui viennent, un sentiment selon lequel tout le monde est mis à contribution, ce sera très difficile de faire cette transition. Par exemple, depuis le mois de mars dernier, il est interdit pour le commun des mortels de prendre l'avion si une alternative en train est possible pour moins de deux heures et demie de trajet. Cependant, cette loi votée ne concerne pas les jets privés. Or si les super pollueurs disposent de super dérogations, ça va être compliqué de demander davantage d'efforts aux Français.

Faudrait-il réguler l'usage des jets privés ou carrément l'interdire, comme le demande le secrétaire général d'Europe-Ecologie-Les Verts Julien Bayou ?

À partir du moment où l'utilisation de l'avion est interdite si il y a une alternative en train pour tout le monde, sauf pour les utilisateurs des jets privés, on a du mal à justifier le fait qu'il pourrait y avoir une dérogation pour un moyen de transport qui va polluer cent fois, voire mille fois plus que que d'autres transports bas carbone. Je suis pour un principe qui est assez simple, c'est le principe d'égalité devant la loi. Si on met en place une interdiction pour les Français, alors elle doit concerner tout le monde. Ensuite, on peut toujours regarder les détails et les situations particulières et dans certains cas, l'interdiction pure et simple ne devrait pas suffire. Cependant, sur les vols les plus petits, l'interdiction me semble assez nécessaire.

"Pour rappeler les ordres de grandeur, une heure de jet privé va émettre autant de carbone qu'un Français dans sa voiture pendant une année entière. Nous sommes dans une démesure totale qu'il est urgent de régler."

Lucas Chancel, codirecteur du laboratoire sur les inégalités à l’École d’économie de Paris

à franceinfo

Le risque n'est-il pas de braquer ceux qui les utilisent ou de braquer l'ensemble du secteur de l'aviation car il s'agit d'un enjeu économique ?

Je pense que l'enjeu aujourd'hui, c'est surtout de ne pas braquer la majorité des Français à qui on a commencé à demander des efforts. Il va falloir qu'on amène nos émissions carbone qui sont aujourd'hui d'environ 9 tonnes par an par personne, pour les familles françaises, à zéro tonne en 2050. Cependant, il y a une poignée d'individus qui émettent beaucoup plus, qui vont émettre 20 tonnes, 30 tonnes, 100 tonnes par an. Le risque est plutôt de braquer la majorité de la population qui aurait l'impression de faire des efforts quand d'autres ont des dérogations. Je pense que c'est à ça qu'il faut réfléchir aujourd'hui. On a tous besoin de s'embarquer dans cette transition et pour cela, il ne faut pas que qu'il y ait des dérogations.

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