: Enquête Une pluie d'erreurs chez Météo-France ?

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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
L’agence publique aurait plus de mal à diffuser au grand public des bulletins météorologiques fiables. En cause, selon les syndicats, un nouvel algorithme en place depuis quelques mois.

Pendant un mois, l'équipe de "L'Œil du 20 Heures" a récolté les prévisions de Météo-France et les a comparées avec les données des stations météorologiques du réseau associatif InfoClimat qui observe le ciel en temps réel. Cela représente environ 1 300 relevés, dans huit villes, à la montagne, la campagne ou au bord de la mer sur l'ensemble du territoire. A Marseille par exemple, à Paimpol en Bretagne, à Bergues dans le Nord ou encore Les Fourgs dans le Doubs.

Des erreurs de temps et parfois aussi de températures. A Canéjan (Gironde), le 13 avril, nous avons observé 10 degrés d'écarts entre la prévision de Météo-France et la réalité. Au total, d'après nos calculs, sur 1 300 relevés en un mois, nous avons constaté des écarts de plus de 5 degrés, dans 11 % des cas. 

Des conséquences importantes pour les professionnels 

Des erreurs que disent subir de plein fouet certains usagers. En Bretagne, là encore selon nos calculs, environ 14 % des prévisions de Météo-France dans la région sont erronées durant notre mois d'observation. 

Un artisan morbihannais, qui s'occupe de l'isolation des bâtiments, précise que son travail ne peut se faire que par temps sec. Ces erreurs de prévisions ont des conséquences sur l'activité de son entreprise. "On a fait des estimations par rapport aux jours perdus dans l'année, on est à 20 jours à cause des mauvaises prévisions. Cela représente 20 000 € de chiffres d'affaires en moins pour nous. C'est énorme", s'alarme Anis El Bahi, gérant d'Etanchéité morbihannaise.

Un nouvel algorithme dénoncé par les syndicats 

Selon plusieurs syndicats, ces approximations feraient suite au lancement en novembre dernier d'un nouvel algorithme, censé interpréter automatiquement les bulletins de prévisions diffusées au grand public. Jusqu'à présent, les prévisions de Météo-France étaient vérifiées dans chaque région par des agents, dans l'un des nombreux bureaux de l'organisme, avant diffusion au grand public. Désormais, il y a l'algorithme et une seule personne à Toulouse, chargée de corriger ces données. 

Pour les syndicats, cet algorithme a été imaginé pour compenser la baisse des effectifs. Car en quinze ans, Météo-France a perdu environ un tiers de ses équipes. Et subit une baisse des subventions de 18% en dix ans. 

Selon plusieurs salariés que nous avons contactés, cet algorithme ne serait pas totalement fiable. En plus, les prévisions fournies par le logiciel ne pourraient pas être corrigées en temps réel, mais toutes les six heures. "Assez souvent, on voit que ce que l'on a au-dessus de la tête, c'est complètement différent de ce qu'il y a dans la base et on n'a pas moyen de le toucher. Et là, on est en train d'abandonner tout ce qui est observations, climatologie et prévisions", témoigne d'un salarié de Météo-France, qui a souhaité rester anonyme.

Contacté, Météo-France garantit que les prévisionnistes peuvent toujours rectifier en temps réel les données. Cet algorithme n'a pour l'instant pas d'impact sur les bulletins de vigilance en cas d'épisodes extrêmes encore géré par des humains.

"On a besoin d'une précision de plus en plus pointue"

Après un mois d'analyse, nous avons montré nos données à Pascal Boureau, un ancien météorologue qui a fait toute sa carrière au sein de l'agence. Aujourd'hui membre du conseil départemental de Haute-Garonne, il regrette le choix de réduire le personnel de Météo-France en plein changement climatique. "On a besoin d'une précision de plus en plus pointue. Et cela veut dire des experts humains. Même si on améliore toujours la qualité des modèles numériques, on aura toujours besoin d'expertise humaine", explique Pascal Boureau.

Nous avons fait part de nos observations à Météo-France et demandé une autorisation de tournage pour comprendre le fonctionnement de l'algorithme. Refus de l'entreprise qui reconnaît néanmoins des erreurs au moment du lancement de l'outil mais assure qu'elles ont depuis été corrigées. Concernant la fiabilité des prévisions, Météo France estime qu'il n'y a pas plus d'erreurs depuis la mise en place de l'algorithme. 

"Un taux de réussite de 80% pour mars 2024, similaire aux mois précédents de septembre 2023 à février 2024 (...). Cela confirme qu'il n'y a pas eu en moyenne de dégradation des prévisions depuis le changement d'outil", détaille la direction de Météo-France. Côté effectif enfin, Météo-France explique avoir procédé à de nouveaux recrutements l'an dernier, tandis que 25 postes supplémentaires doivent être ouverts en 2024.

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