Inondations dans l'Aude : "Il faut faire avec, mieux prévoir, mieux s'adapter", estime un chercheur en hydrologie
Daniel Schertzer, professeur à l'école des Ponts ParisTech, estime que les inondations survenues dans l'Aude ne peuvent pas être évitées, mais qu'il faut que l'urbanisme s'adapte à ces contraintes.
"Il faut travailler l'urbanisme pour avoir de meilleures réponses à ces événements", estime lundi 15 octobre sur franceinfo Daniel Schertzer, directeur de recherche et professeur à l'École des Ponts ParisTech et directeur de la chaire Hydrologie pour une ville résiliente.
"De façon générale, les problèmes d'environnement étaient jusqu'ici la dernière case à cocher dans le travail d'aménagement. Au contraire, il faudrait que ce soit quasiment la première chose à prendre en compte", précise-t-il, alors que des pluies violentes se sont abattues sur le département de l'Aude dans la nuit de dimanche à lundi, provoquant de graves inondations et un bilan humain et matériel très lourd.
franceinfo : Est-ce qu'on peut anticiper ces phénomènes violents ?
Daniel Schertzer : Oui, même s'il y a des limites intrinsèques de prédictibilité parce que ce sont des phénomènes non linéaires, c'est-à-dire que les précipitations ne sont jamais homogènes. Il pleut rarement, presque jamais, mais de temps en temps il pleut fort, et même de temps en temps beaucoup plus fort. Mais, pour le moment, on est encore loin de ces limites de prédictibilité intrinsèques donc il nous faut encore travailler pour progresser.
Pour cela, il y a différents aspects : d'une part la recherche théorique et d'autre part utiliser différents éléments de mesure. Par exemple, le fait qu’on mesure les précipitations à une résolution de plus en plus grande nous aide grandement. Il y a une nouvelle génération de radars qui a permis récemment d'accroitre la résolution des mesures par un facteur 10, donc de passer du kilomètre à 100 mètres et dans peu de temps on descendra à quelques dizaines de mètres.
On a malgré tout l'impression qu'on est impuissants face à tout cela...
Il y a une certaine forme d'impuissance, on ne changera pas effectivement le rythme de ces événements extrêmes. Ils peuvent changer avec le changement climatique - s'accroitre ou diminuer, là c'est un débat actuel de recherche et probablement, malheureusement, ce serait plutôt l'accroissement. Donc il faut faire avec, et donc mieux prévoir.
Il y a les prévisions immédiates dans les heures qui viennent mais il y a aussi les prévisions statistiques à long terme qui peuvent permettre de mettre en place des mesures pour que les conséquences ne soient plus les mêmes face aux mêmes phénomènes. C'est ce qu'on appelle la résilience. Une façon de mieux s'adapter, de moins se défendre comme un boxeur mais plus comme un judoka qui profite du déséquilibre de l'adversaire. Il faut avoir conscience de ce qui peut se produire et travailler l'urbanisme pour avoir de meilleures réponses à ces événements.
Qu'est-ce qu'on peut faire à un niveau plus local, dans des petites communes d'un millier d'habitants ?
Ça ne dépend pas de la taille de la ville, c'est une ligne de réflexion générale. C'est penser l'aménagement urbain, même dans des petites villes, en tenant compte des interactions avec l'environnement qui sont très fortes, que ce soit avec des séismes ou des problèmes d'eau, il faut les concevoir dans l'organisation. Sauf que de façon générale, ces problèmes d'environnement étaient la dernière case du travail d'aménagement. Au contraire, il faudrait que ce soit quasiment la première chose prise en compte.
Il y a des cultures à développer et il faut aussi développer la recherche sur ces thèmes. Il faut innover, ne pas se contenter des solutions telles qu'elles sont actuellement développées. Il y a sans doute beaucoup mieux à faire, mais il faut pour ça des efforts de recherche conséquents.
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