Inondations : à Sigean, Alain et Gisèle ont "peut-être tout perdu"
Ce couple de retraités de l'Ain a tout investi dans un mobil-home de Sigean (Aude) où il comptait passer ses vieux jours. Francetv info a rencontré Alain et Gisèle après l'inondation de leur camping.
"On a tout investi ici, et on a peut-être tout perdu." Dans la cuisine de la chambre d'hôtes où il est relogé provisoirement, Alain, 61 ans, a les yeux humides. Ce fonctionnaire à la retraite est depuis septembre l'un des habitants permanents du camping Le Pavillon, à Sigean (Aude). Après les inondations des 29 et 30 novembre, il fait partie aujourd'hui de la centaine de sinistrés du village. Malgré la décrue, il n'a pas le droit de regagner son mobil-home, par arrêté préfectoral, pour raisons de sécurité.
Ce camping, il le connaît bien. "Cela fait quatre-cinq ans qu'on vient en vacances ici. Le coin nous avait plu et ma sœur y est déjà logée à l'année. Alors, on s'est dit : 'Pourquoi pas acheter un mobil-home pour y passer notre retraite ?'", explique le sexagénaire. Avec sa femme, Gisèle, ils décident donc de vendre leur maison des environs de Bourg-en-Bresse (Ain) et de débourser "plus de 50 000 euros" pour l'achat d'une parcelle et du mobil-home. Ils débarquent à Sigean le 26 septembre. "Le premier jour, il y a eu un orage phénoménal. Tous nos cartons de déménagement, qu'on avait bâchés, baignaient dans l'eau, se souvient Alain. C'était prémonitoire, c'était : 'Tiens, vous allez avoir pire.'"
"En deux minutes, l'eau est montée de 50 centimètres"
Samedi 29 novembre, le pire est arrivé. Le canal situé derrière le camping a débordé et l'eau a envahi les allées où sont installés 300 mobil-homes. Coincé entre les étangs du bord de mer, ce canal et la rivière Rieu, Le Pavillon est une cible de choix. "On avait mis des repères dans le chemin, et deux-trois minutes après, l'eau était montée de cinquante centimètres", témoigne Alain.
Vers 17 heures, les 106 habitants du camping décident de quitter les lieux. Ils rejoignent un gymnase, mis à la disposition par la mairie. "Des lits de camp avaient été installés, mais vous ne pouvez pas vous reposer dans un endroit comme ça, il y a en permanence un brouhaha", nuance le retraité. De toute façon, Alain est retourné au camping. "Je n'ai pas dormi du samedi matin au dimanche soir. Il fallait surveiller les mobil-homes pour éviter les vols", justifie-t-il.
"Cela faisait trois jours qu'on ne s'était pas lavés"
Heureusement, la solidarité s'organise. On prête à Alain et Gisèle un camping-car. Le Secours catholique, puis la mairie distribuent des repas dans une salle paroissiale. L'assurance paie au couple deux nuits dans une chambre d'hôtes du village. "C'était un soulagement. Cela faisait trois jours qu'on s'était pas lavés, pas changés", raconte Alain.
Mais cet hébergement n'est que temporaire. Alors, mardi matin, Alain et Gisèle sont retournés au camping pour récupérer quelques affaires et jeter le contenu du congélateur. Au milieu des allées désertées, les gendarmes patrouillent en voiture pour éviter que certains ne s'attardent trop.
"On va pouvoir racheter quoi ? Une tente Quechua ?"
Situé non loin de l'entrée du camping, le mobil-home d'Alain et Gisèle n'est pas le plus touché. Ils n'ont plus de courant, leurs surgelés sont bons pour la poubelle, mais l'eau n'est montée que jusqu'à l'entrée de l'habitation, sans pénétrer à l'intérieur. Seul le sol de la cuisine d'été est recouvert de boue. "L'isolation du plancher est imbibée d'eau, s'inquiète tout de même Alain. Si le plancher pourrit, le mobil-home est foutu." L'arrêté préfectoral l'empêche pour le moment de réparer les dégâts.
Comme tous les occupants permanents du camping, Alain n'a qu'une crainte : que la préfecture ordonne la fermeture définitive du Pavillon, ou limite son ouverture à l'été. "S'il ferme définitivement, on va devoir faire nos valises. Mais pour aller où ? On n'a que le mobil-home, se désole le sexagénaire. Même s'il y a une procédure d'expropriation, je ne pense pas qu'ils vont me donner la somme que j'ai investie ici. Et s'ils me donnent 50 000 euros, on va pouvoir racheter quoi comme logement ici ? Une tente Quechua ?"
"Mercredi soir, il est possible qu'on se retrouve à la rue"
L'ancien fonctionnaire connaissait les risques. "On savait qu'il y avait déjà eu une inondation en 1999 et qu'il risquait d'y en avoir d'autres", reconnaît Alain. Mais il estime que les autorités n'ont pas retenu les leçons du sinistre survenu il y a quinze ans. Alors, s'il n'est pas relogé, il menace d'aller camper à Carcassonne, devant le bureau du préfet. Certains de ses camarades envisagent même de bloquer les routes de Sigean jusqu'à ce qu'une solution de relogement soit trouvée pour tout le monde.
En attendant, Gisèle et Alain doivent de toute façon trouver un logement pour mercredi soir. Ils se sont rendus à la mairie, mais celle-ci est débordée. Le carnet de la responsable de l'hébergement social contient les noms d'une cinquantaine de personnes à reloger. "Donc, mercredi soir, il est possible qu'on se retrouve à la rue ?" demande Gisèle. La fonctionnaire marque une pause, puis lui glisse : "J'espère bien que non."
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