Intempéries dans le Sud-Est : fallait-il déclencher l'alerte rouge ?
De nombreux élus ont pointé du doigt Météo France, coupable, selon eux, de n'avoir déclenché qu'une vigilance orange pour prévenir du risque d'orages dans les Alpes-Maritimes. Les intempéries ont tué au moins 18 personnes.
"Avec ce qui s'est passé (...), on se contente de nous dire que nous [sommes] en alerte orange !" Interrogé dimanche 4 octobre sur Europe 1, le maire de Nice, Christian Estrosi (Les Républicains), ne cache pas sa colère contre Météo France. Pour l'élu, les intempéries meurtrières dans le Sud-Est auraient pu être évitées si les prévisionnistes avaient revu la vigilance à la hausse. L'alerte rouge aurait-elle dû être activée ? Eléments de réponse.
Ce que prévoient les différents niveaux de vigilance
Après la tempête de 1999, une vigilance météorologique a été mise en place pour éviter que de tels événements meurtriers se reproduisent. Composée d'une carte de France, actualisée deux fois par jour, cette vigilance s'organise en quatre couleurs selon la gravité des aléas climatiques : vert, jaune, orange et rouge.
Samedi, six départements du Sud-Est, dont les Alpes-Maritimes, étaient concernés par une alerte orange "orages" et "pluies-inondations", émise par Météo France. En émettant cette vigilance orange, Météo France a ainsi prévenu que des "phénomènes dangereux" allaient survenir, suggérant à la population d'être "très vigilante" et de se tenir "au courant de l’évolution de la situation".
L'alerte rouge, elle, concerne "des phénomènes dangereux d'intensité exceptionnelle", faisant courir un grave danger à la population. Elle est synonyme de vigilance absolue. En cas d'alerte rouge, les habitants doivent non seulement se tenir au courant de la situation, mais surtout "suivre impérativement" les consignes de sécurité des autorités, notamment l'interdiction de se déplacer.
Cette forme de vigilance est très contraignante. Le préfet doit alors procéder à "l'alerte systématique" des maires et des services concernés, ce qui n'est pas le cas pour une vigilance orange, rappelle cette circulaire (en PDF). "Les mesures de prévention", comme l'annulation de certaines mobilisations, l'évacuation de certains lieux ou la fermeture des parcs, doivent alors être "prises immédiatement".
Ce que disent les élus
Dimanche, de nombreux maires ont réagi aux intempéries dramatiques, certains pointant du doigt le travail de Météo France. Christian Estrosi a été le plus véhément : "Je me pose beaucoup de questions sur la manière dont travaille Météo France", a-t-il lâché sur Europe 1. "Un tel niveau, une telle violence... Personne n’a été alerté ni n’a été prévenu de cela", a-t-il regretté. Pour lui, une alerte rouge aurait "imposé que dans les heures qui précèdent, on demande à la population de bien vouloir prendre des précautions, d’évacuer des lieux". Il assure que les services de l’Etat ou les collectivités "seraient intervenus de manière différente (...) beaucoup plus intensément qu’elles ne l’ont fait".
C'est aussi l'avis d'Eric Ciotti. Au micro de France 3, le président (Les Républicains) des Alpes-Maritimes affirme que si une alerte rouge avait été déclenchée, "il y aurait eu moins de circulation, moins de personnes à l'extérieur, pas de grandes manifestations publiques" car "nous aurions pu éviter la présence sur les voies publiques, sur les routes, de personnes qui circulaient". L'élu pointe une "accoutumance" aux alertes orange, qui perdent donc, selon lui, de leur efficacité.
Mais pour le maire (LR) de Cannes, sollicité par Europe 1, un tel dispositif n'aurait pas changé grand-chose. Sa ville a pourtant été durement touchée par les inondations.
On aurait pu être en alerte noire, rouge, écarlate, de la couleur que vous voulez : lorsque vous n’avez plus d’électricité, plus de communication, cette concentration d’eau, que voulez-vous faire ?
Et de renchérir : "Vous êtes présent mais vous ne pouvez pas échapper à des morts dans une agglomération de 500 000 habitants. C’est triste, mais on ne peut pas toujours polémiquer sur tout. Je ne vais pas accabler Météo France."
Ce que répondent les prévisionnistes
D'autant que, chez Météo France, on n'aurait pas pu mieux faire. C'est ce qu'assure Jérôme Cerisier, prévisionniste chez MeteoGroup et consultant à France Télévisions. "Météo France a bien cerné l'épisode. Les vigilances rouges concernent généralement des phénomènes de plus grande ampleur. Ici, seule une partie précise du département a été touchée", rappelle-t-il à francetv info.
Il était surtout impossible "d'anticiper quelles villes seraient les plus touchées, ni avec quelle intensité".
Ni nous, ni Météo France, ne sommes en mesure, plusieurs heures en amont, de dire qu'un orage aussi violent s'abattra entre Antibes et Nice entre 20 heures et 22 heures. Au mieux, on peut le voir avec une image radar une heure avant.
L'épisode qui a frappé les Alpes-Maritimes illustre bien les limites des prévisions météo et l'incapacité de donner des informations à l'échelle ultra-locale. Ce que reconnaît Pascal Brovelli, directeur adjoint à la direction des opérations à Météo France, dans les colonnes du Monde. "En l'état de nos systèmes, nous ne sommes pas en mesure d’annoncer une telle ampleur et de la localiser de manière aussi précise", confirme-t-il.
Dans tous les cas, l'alerte rouge serait venue trop tard, compte tenu de l'ampleur et de la violence du phénomène. "A la vitesse où cela s'est développé, déclencher la vigilance rouge à 20 heures (...) n'aurait pas permis d'alerter les services et les populations dans des délais suffisants", se défend-il.
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