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En plus de nous rendre malades, la pollution de l'air va-t-elle nous rendre bêtes ?

Selon une récente étude, la pollution de l'air aurait aussi des conséquences sur le cerveau. 

Article rédigé par The Conversation
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Temps de lecture : 5 min
  (MAXPPP)

Non seulement la pollution de l'air affecte nos poumons et notre cœur, mais elle pourrait aussi menacer notre intelligence.

Une étude récente publiée en 2018 dans la revue PNAS a révélé que chez des personnes âgées vivant en Chine, une exposition de long terme à la pollution de l'air pouvait entraver les performances cognitives – comme la capacité à prêter attention, à se remémorer des connaissances passées ou à générer de nouvelles informations – dans le cadre de tests verbaux et mathématiques.

À mesure que les personnes vieillissent, le lien entre pollution de l'air et déclin mental se renforce. L'étude a également montré que les hommes et les personnes les moins éduquées étaient particulièrement exposés, pour des raisons que l'on ne connaît pas encore.

Nous avons aussi prouvé de manière convaincante que la pollution de l'air – et spécialement les particules les plus petites, invisibles à l'œil nu – endommagent le cerveau à la fois des humains et des animaux. La pollution liée à la circulation des véhicules est ainsi associée à la démence, au comportement délinquant chez les adolescents, et à un retard de développement du cerveau chez les enfants fréquentant des écoles très polluées.

Une détérioration du cerveau

Chez les animaux, les souris exposées à une pollution de l'air urbain pendant quatre mois ont montré un fonctionnement du cerveau réduit et des réponses inflammatoires dans les principales régions du cerveau. Cela signifie que les tissus de cette zone ont changé en réponse aux stimulations nocives induites par la pollution.

Nous ne savons pas encore quels aspects de ce « cocktail » de particules polluantes – comme la taille, le nombre ou la composition des particules – contribuent le plus à cette détérioration du cerveau. On estime toutefois que les particules nanométriques seraient en cause.

Ces particules présentent une taille 2 000 fois plus petite que le diamètre d'un cheveu humain et peuvent se déplacer dans le corps par le flux sanguin après avoir été inhalées. Elles pourraient même atteindre le cerveau directement via les nerfs olfactifs qui transmettent au cerveau des informations sur l'odeur. Cela laisserait les particules contourner la barrière hématoencéphalique, qui protège normalement le cerveau des éléments nocifs circulant dans le flux sanguin.

Des symptômes typiques d'Alzheimer

Des échantillons de cerveau prélevés post mortem sur des personnes exposées à des niveaux élevés de pollution de l'air, qui vivaient à Mexico City et à Manchester, affichent les symptômes typiques de la maladie d'Alzheimer. Cela inclut des amas de fragments de protéines anormales entre les cellules nerveuses, des inflammations, et une abondance de nanoparticules riches en métal (incluant fer, cuivre, nickel, platine et cobalt) dans le cerveau.

La circulation routière est l'une des causes majeures de la pollution de l'air dans le monde. Tao55/Shutterstock

Les nanoparticules riches en métal identifiées dans ces échantillons de cerveau sont similaires à celles que l'on trouve en général dans la pollution de l'air ambiant en ville ; celle-ci se forme lors de la combustion du pétrole et d'autres carburants, associée aux particules d'usure des freins et pneus. Ces nanoparticules toxiques sont souvent accompagnées d'autres composés dangereux, comme des hydrocarbones polyaromatiques qui se produisent naturellement dans les carburants fossiles et peuvent endommager les reins et le foie ou provoquer des cancers.

Cellules endommagées

Inhaler des nanoparticules de façon répétée pourrait avoir une série d'effets négatifs sur le cerveau, y compris une inflammation chronique des cellules nerveuses. Lorsque nous inhalons la pollution de l'air, cela peut activer les cellules immunitaires du cerveau.

Respirer un air ambiant pollué pourrait ainsi activer de façon continue une réponse de destruction au sein des cellules immunitaires, entraînant la création plus fréquente de molécules dangereuses. Des niveaux élevés de telles molécules pourraient provoquer le dommage et la mort de cellules.

La présence de fer trouvé dans la pollution de l'air pourrait accélérer ce processus. Des nanoparticules riches en fer (magnétite) peuvent augmenter la toxicité des protéines anormales trouvées dans la zone cérébrale. L'analyse post mortem de cerveaux issus de patients malades d'Alzheimer et de Parkinson montre ainsi que l'activation microgliale est commune aux maladies neurodégénératives.

En dehors de la preuve que nous détenons déjà du lien entre pollution de l'air et démence, la dernière étude sur le lien entre pollution de l'air et intelligence en déclin démontre encore plus la nécessité de combattre la pollution de l'air. La combinaison de changements en termes de technologie de véhicules, régulation et politique fournirait des instruments pratiques pour diminuer de manière globale le fardeau que représente la pollution de l'air en matière de santé.

Changer ses habitudes

Toutefois, il existe des moyens de se protéger. Moins conduire, marcher davantage et faire du vélo peut avoir un impact positif sur la pollution. Si vous devez utiliser une voiture, conduire doucement sans accélérer ou freiner brutalement, et éviter de voyager pendant les heures de rush, peut diminuer les émissions. Garder les fenêtres fermées et recycler l'air dans la voiture pourrait également contribuer à diminuer l'exposition à la pollution pendant les embouteillages.

Réduire l'usage des véhicules en marchant ou en faisant du vélo peut avoir un impact majeur sur les niveaux de pollution de l'air. Nick Starichenko/Shutterstock

Les jeunes enfants comptent parmi les plus vulnérables car leurs cerveaux se développent encore. Beaucoup d'écoles se situent près de routes principales, réduire la pollution de l'air s'avère donc nécessaire. Planter certaines espèces d'arbres spécifiques qui capturent efficacement les particules le long des routes et autour des écoles pourrait aider.

La pollution de l'air intérieur cause elle aussi des problèmes de santé, la ventilation apparaît donc nécessaire lorsque l'on cuisine. Les feux ouverts (à la fois dehors et à l'intérieur) constituent une source significative de pollution particulaire, les poêles à bois produisant un fort taux de particules fines. Utiliser un bois sec et adapté à la saison, ainsi qu'un poêle efficace et respectant l'écoconception s'impose donc pour ne pas polluer l'atmosphère autour de chez soi. Si vous résidez dans une maison ventilée du côté d'une route passante, utiliser les espaces de vie au dos de la maison ou à l'étage diminuera l'exposition quotidienne à la pollution.

En fin de compte, ce qui est bénéfique à votre cœur l'est aussi pour votre cerveau. Stimuler son activité cérébrale, opter pour un bon régime alimentaire riche en antioxydants, et se maintenir actif et en bonne santé favorise la résilience de l'organisme.

Puisque nous ne connaissons pas encore exactement les mécanismes par lesquels la pollution endommage nos cerveaux – ni comment ses effets pourraient être contrés – nous protéger exige de réduire ou d'éviter l'exposition à la pollution autant que possible.


Traduit de l'anglais par Nolwenn Jaumouillé.

Barbara Maher, Professor, Environmental science, Lancaster University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

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