Environnement : le freinage, l'angle mort de la pollution automobile
Les particules fines issues du freinage prennent une part de plus en plus importante dans la pollution du secteur automobile.
Il s'agit d'une réalité encore mal documentée et non réglementée dans le secteur automobile : le freinage va devenir d'ici peu de temps la première source de pollution aux particules fines. La voiture électrique, qui gagne encore des parts de marché avec 15 600 immatriculations en mars dernier, risque d'aggraver les choses.
Dans quelques années, sans doute, on pourra dire que Salah Khardi est un précurseur. Il est un spécialiste du freinage. Il en a étudié les rejets sur route, sur piste, et sur banc d'essais. "Nous avons, au niveau du freinage, deux types de phénomènes qui se produisent : l'abrasion et l'arrachement", explique-t-il.
"Pour l'arrachement, ce sont des grosses particules qui se déposent sur la voirie. Par contre, l'autre partie la plus prépondérante, ce sont des particules qui sont émises par le contact avec les plaquettes de disques et qui sont émises d'une manière extrêmement importante."
Salah Khardià franceinfo
À l'origine, Salah Khardi est chercheur à Lyon pour l'université Gustave Eiffel. Depuis quelques semaines, il a intégré une équipe pluridisciplinaire, le MECALIPS pour Mécanique, Lipidomique et Ingénierie pour la Santé, qui s'intéresse à la réalité et aux effets de la pollution atmosphérique. Pour le chercheur, ces particules qui naissent du phénomène d'abrasement, "il faut les réduire, les contrôler, les maîtriser ou les éliminer d'une manière définitive parce qu'elles ont un impact sur la santé humaine."
D'après les prélèvement de Salah Khadi, l'abrasion des plaquettes de freins rejette des particules fines de fer et de cuivre mais pas seulement, explique Anna Maria Sfarghiu qui étudie l'effet de cette pollution sur des prélèvements de cellules au sein de la même équipe : "On identifie déjà de la silice, qui est une composante qui est classée cancérigène. Il ne faudrait pas que cela dépasse une certaine quantité et que ça s'use trop. La silice est partout, même dans nos routes de campagne. Il faudrait voir de quelle silice il s'agit, sa taille, sa morphologie et sa dangerosité."
"On est dans les balbutiements au niveau réglementaire"
La pollution des freins est une pollution montante. Elle rattrape petit à petit celle des pots d'échappement qui a été divisée par trois ou quatre en 20 ans grâce aux normes. Mais pour l'abrasion, c'est-à-dire au freinage, à l'usure des pneus, et de la route, il n'existe pas encore de réglementation. "On est dans les balbutiements au niveau réglementaire, explique François Cuenot, secrétaire du groupe pollution énergie, au sein du forum mondial pour l'harmonisation de de la réglementation automobile qui dépend de l'ONU. "Il faut que l'opinion publique se préoccupe de la question un peu plus pour qu'il y ait une pression politique peut être un peu plus forte, et pour que la réglementation soient mises en place rapidement", poursuit-il.
"Jusqu'à maintenant, il est vrai que c'était quand même une part assez faible des émissions. Cela représentait entre 10 et 20% des émissions de particules d'un véhicule jusqu'à ce qu'on ait les filtres à particules. Maintenant, on se rend compte que c'est plutôt 40% à 50% des émissions.”
François Cuenotà franceinfo
D'après un rapport de l'OCDE en 2020, la pollution liée à l'abrasion va devenir la pollution principale des voitures d'ici 2030. Il y a même un risque d'aggravation avec l'arrivée en masse des voitures électriques. "Un des facteurs clés, c'est le poids de la voiture, indique Walid Oueslati de la division environnement de l'OCDE. Il y a une concurrence vers l'autonomie de la voiture électrique, qui implique nécessairement une batterie plus lourde. Cela veut dire que on accentue le frottement. L'inertie dépensée pour le freinage va induire plus d'émissions hors échappement. Et c'est pour cela que la voiture électrique aujourd'hui pose à la fois une opportunité pour réduire les particules fines et préserver plein de vie mais il s'agit aussi un challenge."
Un coup de frein en ville peu projeter autant de particule qu'un pot d'échappement. D'après l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), ces émissions augmentent sensiblement au-dessus de 70 km. Il y a donc un enjeu de poids et de conduite.
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