Pollution aux particules fines : de plus en plus fines, "elles sont encore plus dangereuses puisqu'elles vont franchir pratiquement toutes les barrières de l'organisme", alerte un spécialiste
Les particules fines "sont partout" et on "sous-estime" les conséquences sur la santé, alerte mardi 29 août sur franceinfo Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS à Orléans, spécialiste des particules fines de pollution. Émises par l'industrie, les véhicules à carburants fossiles ou les incendies, elles présentent un plus grand risque pour la santé mondiale que le tabagisme ou la consommation d'alcool, selon un rapport de l'Institut de politique énergétique de l'université de Chicago (EPIC) sur la qualité de l'air mondiale.
franceinfo : Les particules fines sont-elles absolument partout ?
Jean-Baptiste Renard : Elles sont partout. Elles sont vraiment inhérentes à l'activité humaine. Les particules fines – qu'on appelle les PM2,5 – sont inférieures à 2,5 micromètres. Mais il y a aussi toute la famille des particules submicroniques qui sont très petites en taille. C'est dangereux pour la santé parce que les particules fines ou très fines vont franchir toutes les barrières de l'organisme, on va les retrouver dans tous les organes du corps.
La pollution aux particules fines est une cause majeure de mortalité et je pense que les chiffres sont sous-estimés puisqu'on ne prend pas en compte toutes les pathologies, maintenant identifiées, qui sont issues de la pollution. Récemment, nous avons mis en évidence le lien entre la pollution aux particules très fines, voire ultrafines, et les pics de mortalité au Covid.
Nous avons encore beaucoup de mal à estimer l'impact de la pollution aux particules fines ?
Tout à fait, parce que d'abord, nous avons de plus en plus de particules ultrafines, c'est-à-dire qu'on a souvent transformé des grosses en des très, très petites. C’est notamment le cas des moteurs diesel. Donc c'est encore plus difficile de les mesurer et elles sont encore plus dangereuses puisque vraiment, elles vont franchir pratiquement toutes les barrières physiologiques et donc on va les retrouver dans le cerveau ou ailleurs. Il y a énormément de conséquences sur la santé humaine.
Ces particules peuvent voyager sur des très grandes distances. Ces imports de l'étranger vont couvrir absolument tous les territoires, en ville ou en campagne. Il y a quelques semaines, on a vu les fumées venues du Canada survoler la France. L'année dernière, un épisode de pollution allemande est arrivé sur la France. Cela peut s'ajouter à la production locale. C'est assez fort à Paris et en plus, c'est compliqué puisque Paris est une cuvette et donc ça bloque souvent le transport de la pollution.
Cela reste essentiellement un phénomène lié aux grandes agglomérations ?
Oui, parce que plus vous allez avoir d'activités, plus vous allez avoir des sources. Alors qu'il n'y a pas d'industries à Paris ou très peu, mais il y a un trafic [routier] important. Le périphérique parisien notamment est une source très importante. Mais par exemple, les épandages agricoles sont un énorme problème à l'échelle régionale, généralement au printemps et en automne. Les sources de pollution aux particules fines peuvent être très variées mais le transport est l'une des principales. On se prépare aussi à une grosse catastrophe sanitaire avec le chauffage au bois de nouvelle génération dans les années à venir.
On imagine que c'est aussi pour marquer les esprits que les scientifiques évoquent l'alcool ou le tabac. Dans les deux cas, on peut estimer qu'il y a une responsabilité de chacun, pour un accident de voiture, cela peut être le conducteur ou un tiers... Mais pour les particules fines qui pointer du doigt ?
Il y a des sources tellement différentes et qui diffèrent d'une période de l'année à une autre. Quand cela vient de l'étranger, c'est encore plus compliqué. Donc on n'arrivera jamais à trouver un seul responsable. C'est une pollution avec des sources très combinées. Donc évidemment, pas de responsable facilement identifiable et peu de mesures mises en œuvre. On a fait passer des messages pendant la période Covid où on avait vraiment vu ce lien de pollution/Covid et cela n'a pas du tout été pris en compte. Donc il y a encore beaucoup de travail, même s'il y a quand même des avancées.
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