Pollution de l'air à Paris : quatre questions sur les particules fines
Et si l'atmosphère de la capitale était plus polluée que ce qu'on imaginait ? Un rapport présenté lundi 24 novembre prouve l'importante concentration de l'air parisien en particules fines. Francetv info revient sur cette expérience et sur les conséquences à en tirer.
Vous étiez à Paris, le 13 décembre 2013, au plus fort du pic de pollution l'an dernier ? Vous avez respiré un air aussi pollué que si vous aviez été enfermé dans une pièce de 20 m2 avec huit fumeurs. Voilà ce qui ressort d'une étude menée par le CNRS dans le 15e arrondissement de la capitale, grâce au ballon Generali installé dans le parc André-Citroën.
Les chercheurs ont mesuré ce jour-là jusqu'à 6 millions de particules fines par litre d'air, les plus dangereuses pour la santé, a annoncé lundi 24 novembre Airparif, association chargée de mesurer la qualité de l'air dans la capitale, qui a participé à ces travaux. En cause lors de ce pic : une forte pollution locale due au diesel et au chauffage au bois, grand émetteur de particules fines.
Francetv info revient en quatre questions sur les conditions, les enseignements et les conséquences de cette expérience.
1Particules fines, ultrafines… Qu'est-ce que c'est ?
Un brin de pédagogie. De quoi parle-t-on quand on parle de particules fines, très fines ou ultrafines ? Réponse de Pierre-Emmanuel Burg, ingénieur communication chez Airparif, l'association agréée qui contrôle la qualité de l'air en Ile-de-France : "On définit réglementairement les particules non par leurs propriétés chimiques, mais par leurs propriétés physiques. En clair, par leur diamètre."
Mais attention : "Seules les PM10 (particules d'un diamètre inférieur ou égal à 10 micromètres, ou µm), dont les concentrations sont mesurées en µg/m3, rentrent dans le cadre du système d'alerte en lien avec les autorités." Ce qui n'empêche pas Airparif de mesurer également les PM2,5 (dont le diamètre est inférieur ou égal à 2,5 micromètres), dites "particules fines". Enfin, il existe des particules encore plus petites qui ne sont pas réglementées : les particules très fines, qui mesurent entre 0,2 et 1 micromètre de diamètre, et les ultrafines, inférieures ou égales à 0,1 micromètre de diamètre, comme l'explique Airparif (PDF).
2En quoi consistait l'expérience menée ?
L'appareil laser LOAC (Light Optical Aerosol Counter) que le CNRS a posé sur le ballon ne pèse pas les particules : il en compte le nombre par litre d'air par le biais d'une méthode optique. Fixé sur le ballon qui monte jusqu'à 300 mètres au-dessus du parc André-Citroën, ce laser effectue une "carotte d'air" tout au long de l'ascension, qui permet de compter le nombre de particules en fonction de l'altitude.
"L'appareil, précise Pierre-Emmanuel Burg, fait ici de la recherche prospective et non réglementaire." Le laser s'est en effet concentré sur les particules situées entre 0,2 et 1 micromètre de diamètre, qui ne sont pas soumises à réglementation. Notons au passage que les particules ultrafines, de taille inférieure à 0,1 micromètre, ont échappé à ce comptage.
3Quel enseignement en a été tiré ?
La révolution ? Elle a consisté à compter et non à peser les particules. "C'est donc une manière intéressante d'appréhender la pollution particulaire", souligne Pierre-Emmanuel Burg. Car ces particules très fines sont prises en compte dans le pesage - mesure classique de l'air par Airparif - mais on ne connaît pas leur nombre, compte tenu de leur grande légèreté. Or l'étude menée par le CNRS a fait ressortir une concentration très élevée de particules fines inférieures à 1 micromètre (jusqu'à 6 millions par litre d'air le 13 décembre 2013, contre 200 000 au cours d'une journée standard), que l'on sait nocives pour la santé.
Est-il envisagé de changer de méthode pour mesurer désormais la concentration en particules fines par comptage et non par pesage ? Non, pas pour l'instant. "La modélisation et le réseau de mesures d’Airparif réparti sur tout le territoire francilien permettent aujourd’hui de répondre à la réglementation exprimée en µg/m3. Un changement de méthode n’est donc pas envisagé pour le moment", répond Pierre-Emmanuel Burg.
D'autant que la réglementation française n'est pas extrêmement contraignante. Sur les PM10, elle fixe "le seuil d'information et de recommandation à 50 µg/m³ en moyenne journalière selon des modalités de déclenchement définies par arrêté du ministre chargé de l'environnement" et "le seuil d'alerte" à "80 µg/m³ en moyenne journalière". Sur les PM2,5, il n'y a aucune mesure réglementaire.
4Quels sont les risques pour la santé ?
Sur la nocivité de ces particules, Sylvia Médina, coordinatrice du programme Air et Santé à l'Institut national de veille sanitaire (InVs), est intarissable. Premier point, martèle-t-elle : "Toutes les particules sont dangereuses. Les plus petites vont plus loin dans l'appareil respiratoire, elles vont avoir une action pro-inflammatoire et avoir un rôle dans le stress oxydatif. Cela dénature les cellules et leurs composants (protéines, ADN, etc.). D'où l'accélération du vieillissement et la mort de la cellule."
Mais ce n'est pas fini : "Ce stress oxydatif augmente le risque de mutations malignes de la cellule et peut conduire à un cancer du poumon." Ce qui a conduit à classer l'exposition aux particules fines, notamment issues du diesel, comme cancérigène. D'autres risques guettent : "Les particules fines vont être capables de passer la barrière hémato-encéphalique et de contribuer à la maladie d'Alzheimer ou autres maladies neurodégénératives."
Nombre d'études épidémiologiques portant sur les particules inférieures à 2,5 micromètres de diamètre montrent leurs risques. "Elles vont aller dans la circulation sanguine, dans nos artères, contribuer à l'athérosclérose qui va conduire aux AVC et aux infarctus du myocarde. Elles vont aller dans le foie et le pancréas et contribuer à l'obésité et au diabète. Elles vont passer la barrière placentaire et agir sur le fœtus, avec un faible poids à la naissance."
D'autant, ajoute Sylvia Médina, "que nous avons, certes, des mécanismes de défense. Mais quand nous sommes agressés chaque jour à des niveaux très élevés, on ne peut plus se défendre." Huit à douze heures d'exposition par jour, même à des taux inférieurs au seuil réglementaire, peuvent ainsi conduire à "une inflammation chronique".
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