Du lait plus cher, moins de pommes de terre… Après un été historiquement chaud et sec, quelles conséquences sur votre panier de courses ?
A cause des vagues de chaleur successives et d'une sécheresse record ces derniers mois, plusieurs secteurs agricoles s'attendent à des productions en baisse. Au risque de créer des tensions sur certains produits dans les rayons et de nourrir encore l'augmentation des prix.
Le deuxième été le plus chaud jamais enregistré. Météo France a dressé fin août un bilan inquiétant de la période estivale. L'Hexagone a été frappé par une sécheresse record, des vagues de chaleur successives et de nombreux méga-feux. Des conditions climatiques extrêmes qui ont mis à mal la production agricole.
Les prévisions de certaines récoltes, comme le maïs et les pommes de terre, sont mauvaises. Le gouvernement a déjà annoncé des aides pour les producteurs en difficulté. Mais les conséquences de cet été dévastateur pour les cultures pourraient aussi toucher les consommateurs. Des produits pourraient-ils manquer à l'automne ? Quel impact sur les prix ? Franceinfo fait le point.
Moins de pommes de terre…
Quel est l'état de la production ? Les cultivateurs de pommes de terre anticipent une récolte "catastrophique". L'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) s'attend à des rendements en baisse "d'au moins 20% par rapport à la moyenne des vingt dernières années". Soit l'équivalent de 1,5 million de tonnes perdues cette année. Habituellement, "quand il y a une vague de chaleur, la pomme de terre arrête son cycle, puis reprend sa croissance" lorsque les températures baissent, expose Geoffroy d'Evry, cultivateur dans l'Oise et président de l'UNPT. Mais la sécheresse persistante et la succession des épisodes caniculaires de l'été ont durablement bloqué le développement des tubercules. "De mémoire de patatier du nord de la France, on n'a jamais connu une telle situation", avance l'agriculteur.
Quelles conséquences pour le consommateur ? Le manque de marchandises se fera d'abord sentir dans l'industrie des frites et des chips, pour laquelle les pommes de terre sont plus souvent cultivées "en sec", c'est-à-dire sans système d'arrosage autre que la pluie. Pour les pommes de terre vendues sur les étals, le risque de pénurie semble écarté, mais les rayons pourraient tout de même être moins garnis dans les prochains mois. La baisse de rendement "sera certainement légèrement moins marquée" sur ces produits, car une partie de cette production est placée sous irrigation, et a donc été moins directement touchée par la sécheresse.
"Aujourd'hui, il serait inconcevable de voir des promotions sur les pommes de terre, parce qu'on n'en aura pas en surabondance."
Geoffroy d'Evry, président de l'UNPTà franceinfo
Avec moins de marchandises, il est aussi probable que les tarifs augmentent. C'est en tout cas le souhait de la filière. "Cette revalorisation des prix doit avoir lieu, mais elle peut être limitée", assure Geoffroy d'Evry. "Il n'y a pas de raison de voir un doublement du prix de la pomme de terre en magasin", mais "tout le monde doit prendre sa part, et c'est aussi aux négociants et aux distributeurs de revoir leurs marges", plaide le cultivateur.
… et de légumes
Quel est l'état de la production ? Pour l'heure, la fédération Légumes de France estime les pertes entre 25% et 35% de la production. "Avec la hausse des températures, la sécheresse, et donc les restrictions d'eau, les plantes ont développé un stress hydrique, ce qui a comprimé la production. Comme elles manquent d'arrosage, elles privilégient leur survie et donnent moins, et de moindre qualité", résume de son côté le président de l'Interprofession des fruits et légumes, Laurent Grandin, auprès du site actu.fr.
Certains semis ont par ailleurs été ajournés pour éviter que les graines ne brûlent sous l'effet de la chaleur. "On risque donc d'avoir des retards sur la production de navets, de carottes ou de radis", énumère Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France. Les prévisions sont en revanche plus favorables pour les fruits. "Les pommes vont être un peu plus petites, mais la production a été globalement bonne", illustre par exemple Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits.
Quelles conséquences pour le consommateur ? Là encore, même si le risque de pénurie de légumes est écarté, "on aura moins de marchandises, c'est certain", juge Jacques Rouchaussé. Avec également de potentielles répercussions sur les prix. Pour l'heure, ceux des légumes frais ont déjà augmenté de 4,9% sur un an, selon l'Insee. Un chiffre toutefois moindre que l'inflation de l'ensemble des produits alimentaires sur la même période (+6,8%). Pour absorber la hausse des coûts d'énergie et de conditionnement dans la filière et la baisse de production anticipée, les maraîchers plaident pour un relèvement des tarifs. "Cette hausse des prix doit être raisonnable, de l'ordre de quelques centimes", selon le maraîcher.
Des tensions sur les produits laitiers
Quel est l'état de la production ? "Les vaches laitières produisent moins quand les températures augmentent" car elles ne supportent pas les fortes chaleurs, explique Jean-Marc Chaumet, directeur du service économie du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel). Par ailleurs, les prairies dans lesquelles se nourrissent les ruminants (vaches, moutons, chèvres) sont en grande partie desséchées. Depuis le début de l'année, la production d'herbe a ainsi diminué de près d'un tiers par rapport aux années précédentes, estime le département statistique du ministère de l'Agriculture (Agreste).
Or l'alimentation animale, utilisée pour combler le manque d'herbe, connaît une inflation hors normes depuis le début de la guerre en Ukraine, liée à la hausse des prix des matières premières agricoles : +31% en un an pour les aliments porcins, +25% pour les aliments pour volailles et +26% pour les aliments pour vaches laitières, selon l'Agreste (fichier PDF). Sans compter que la récolte du maïs – dont une majorité finit en fourrage – pourrait être réduite de 13% en raison de la sécheresse, prévoit le ministère.
Résultat : certains éleveurs ont déjà entamé le fourrage réservé à l'hiver, d'autres réduisent les portions, ce qui affecte la quantité de viande ou de lait produits, ou bien envoient à l'abattoir une partie de leurs bêtes pour nourrir celles qui restent. "Normalement, à cette période, on devrait être à 51 000 animaux abattus chaque semaine, alors qu'on est plus près des 60 000", détaille Patrick Bénézit, vice-président de la Fédération nationale bovine (FNB).
Quelles conséquences pour le consommateur ? La viande ne manquera pas ces prochains mois, puisque davantage de bêtes sont abattues. Néanmoins, si trop d'éleveurs sont obligés de recourir au surplus d'abattage, le manque se fera sentir ces prochaines années, faute de renouvellement des troupeaux. Côté prix, les éleveurs de ruminants, incapables de compenser les nouvelles pertes liées à la sécheresse, demandent à l'Etat de revoir les seuils d'accès et d'indemnisation du régime des calamités agricoles afin de pouvoir bénéficier de "2 à 4 milliards d'euros". Sans quoi le bond des prix de la viande – 8% sur un an, selon l'Insee – se poursuivra.
"Le coût de la sécheresse devra bien être répercuté d'une manière ou d'une autre."
Patrick Bénézit, vice-président de la Fédération nationale bovineà franceinfo
Du côté du lait, le recul de la production se fera plus rapidement sentir, assure Jean-Marc Chaumet. "On sera cet automne sur des volumes relativement limités, avec des tensions sur les produits laitiers (beurre, fromage, yaourts…)", prévient-il, en relativisant néanmoins le terme de "pénurie". Après une hausse de 6% sur les 12 derniers mois, les tarifs du lait devraient continuer à augmenter. Normalement fixé annuellement en février entre l'industrie laitière et les distributeurs, le prix a déjà été revu à la hausse en juillet. Et les éleveurs réclament désormais un troisième cycle de négociations avant la fin de l'année. "Pour vivre de notre métier, on a besoin d'un lait vendu 99 centimes le litre en rayon, contre environ 78 centimes pour les marques de distributeurs aujourd'hui", justifie Stéphane Joandel, administrateur de la Fédération nationale des producteurs de lait en Auvergne-Rhône-Alpes. L'appel des éleveurs a déjà été entendu par l'enseigne Système U, qui a annoncé fin août que le litre de lait serait désormais vendu près d'un euro.
Du miel local plus cher
Quel est l'état de la production ? "Quand la végétation souffre de sécheresse pendant des mois, elle ne fleurit pas ou peu pour se protéger, et les quelques fleurs existantes produisent peu de nectar et durent moins longtemps", détaille Henri Clément, porte-parole de l'Union nationale de l'apiculture française. Or, sans nectar, pas de miel. En raison de la sécheresse, la récolte de cette année pourrait ainsi être amputée "de moitié", selon lui. Mais celle de l'année prochaine pourrait également être touchée, car si la reine se nourrit moins, faute de pollen disponible, elle pond moins, et le renouvellement de la colonie ne s'effectue pas.
Quelles conséquences pour le consommateur ? Il y aura bien des pots de miel dans les rayons. Quelque 45 000 tonnes de miel sont consommées chaque année en France, bien au-delà des 10 000 à 33 000 tonnes (selon les années) produites dans le pays. Le miel étranger, notamment venu d'Asie, remplacera donc le miel français manquant. "En revanche, il y aura moins de qualité et de local", prévient Henri Clément. Le miel produit en France coûtera en outre un peu plus cher, car les apiculteurs ont augmenté leurs prix pour faire face à leurs coûts de production grandissants, notamment liés à l'envolée du prix des emballages et du carburant.
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