Plan anti-sécheresse : la réutilisation des eaux usées est une "solution d'avenir" sur laquelle la France "est vraiment en retard", regrette une spécialiste
"On est vraiment en retard en France sur cette pratique de réutiliser les eaux en sortie de station d'épuration", regrette Julie Mendret, maître de conférences à l’université de Montpellier, mercredi 25 janvier sur franceinfo. Julie Mendret travaille sur de nouveaux procédés de traitement des eaux usées, en vue de leur réutilisation et réagissait au plan anti-sécheresse présenté par le gouvernement après un été caniculaire. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu en a présenté les contours dans une interview au Parisien-Aujourd'hui en France (article réservé aux abonnés). La réutilisation des eaux usées et des stations d'épuration représente une solution pour faire face. "On réalise que c'est une solution d'avenir", ajoute Julie Mendret qui note tout de même plusieurs freins : "l'acceptabilité sociale" ou encore "la réglementation".
franceinfo : La réutilisation des eaux usées représente-t-elle un enjeu majeur aujourd'hui ?
Julie Mendret : Oui et on est vraiment en retard en France sur cette pratique de réutiliser les eaux en sortie de station d'épuration, en comparaison de nos voisins espagnols ou italiens. Cet été, on en a parlé plus que jamais. On réalise que c'est une solution d'avenir. Pourtant, on sait très bien faire. On n'était seulement pas assez confrontés au manque d'eau jusqu'à présent. On peut aussi évoquer la réglementation qui peut représenter un frein, même si elle est nécessaire pour que la pratique soit encadrée et sûre. L'acceptabilité sociale peut aussi ralentir la démarche de la réutilisation.
Comment est-ce qu'on peut réutiliser des eaux usées ?
En sortie de stations d'épuration, déjà, les eaux répondent à des normes et sont de bonne qualité. Elles sont en général rejetées dans le milieu naturel. Suivant l'usage que l'on envisage, on va appliquer ou non un traitement supplémentaire. Par exemple, si on veut arroser des cultures qui vont être consommées crues, on va devoir ajouter un traitement. En revanche, pour arroser des cultures céréalières ou des espaces verts éloignés du public, on pourrait utiliser l'eau directement en sortie.
"On va donc devoir adapter le traitement plutôt que de la rejeter sur les zones littorales par exemple, dans la mer, ce qui représente une perte d'eau douce."
Julie Mendret, maître de conférences à l’université de Montpellierà franceinfo
Est-ce qu'il y a une grosse déperdition ?
Oui. Mais ce n'est pas toujours la solution appropriée. Par exemple, dans les zones continentales, les rejets des stations d'épuration contribuent à maintenir un débit dans les cours d'eaux qui est nécessaire pour le maintien des écosystèmes et donc la réutilisation des eaux usées n'est pas toujours pertinente. Il faut s'adapter aux particularités de chaque territoire. Il faut considérer au cas par cas. Il faut regarder quel usage on veut faire de l'eau et si cet usage est proche de la station d'épuration parce que dès qu'il faut transporter de l'eau, le coût devient prohibitif. Mais ça se fait, il y a plus de 80 stations qui le font actuellement.
Quels sont les autres freins à cette pratique et est-ce que la canicule et la sécheresse de l'été 2022 à modifier quelque chose ?
Parmi les freins, il y a l'acceptabilité sociale. Les gens ont une méconnaissance des cycles de l'eau et vont confondre cette pratique avec l'utilisation d'eau brute qui n'aurait pas été traitée. Il y a donc un rejet immédiat quand on évoque cette pratique. Il faut donc faire de la pédagogie. Il y a aussi un autre problème, c'est que le premier usage de l'eau réutilisée c'est l'irrigation agricole, alors que bien souvent les agriculteurs ont encore des ressources plus conventionnelles et moins chères que l'eau réutilisée, je pense au forage ou aux eaux de rivière. Il y a donc un modèle économique à trouver et des incitations financières pour démocratiser la pratique.
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