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Pourquoi rien ne permet d'établir un lien entre les séismes au Japon et en Equateur

Pour Martin Vallée, physicien spécialiste des séismes, on ne peut pas dire que le nombre de tremblement de terre augmente, malgré les récents phénomènes au Japon et en Equateur.

Article rédigé par franceinfo - Recueilli par Pierre Lecornu
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Les séismes meurtriers au Japon ont déformé le paysage, comme ici à Kumamoto, dimanche 17 avril 2015. (RICHARD ATRERO DE GUZMAN / ANADOLU AGENCY)

"La pire tragédie de ces 67 dernières années." C'est ainsi que Rafael Correa, le président de l'Equateur, décrit le séisme de magnitude 7,8 qui a frappé son pays, samedi 16 avril, faisant au moins 400 morts, selon un nouveau bilan, toujours provisoire.

Quelques heures plus tôt, un séisme frappait le Japon, pour la deuxième fois en deux jours. Sur l'archipel nippon, ces événements ont fait au moins 41 victimes. Et dimanche, c'est un séisme de magnitude 6,1 qui a frappé les îles Tonga, sans que l'on sache pour l'heure si des victimes sont à déplorer.

Le fait que ces séismes et leurs répliques surviennent tous autour de la plaque Pacifique, et ce en très peu de temps, interroge forcément. Mais ont-ils pour autant un lien ? Francetv info a posé la question à Martin Vallée, physicien à l'Institut physique du globe à Paris.

Francetv info : Est-ce que les séismes au Japon, en Equateur et aux îles Tonga sont liés ?

Martin Vallée : Les deux séismes qui se sont produits au Japon sont liés, ça on en est sûr. C’est la même région, la même plaque tectonique et c’est bien connu : il y a une augmentation de la sismicité dans les zones où un événement sismique vient de se produire. Ce sont des séquences de séismes, des répliques.

A l’échelle mondiale, c’est-à-dire ici entre le Japon, l’Equateur et les îles Tonga, aucun élément ne permet de dire que ces séismes sont liés. On ne peut pas non plus exclure un lien, mais pour le moment, aucune étude n'en établit. On n’a d'ailleurs jamais pu documenter un lien entre des séismes si éloignés. Cela tient à une raison simple : le déclenchement des séismes se fait de manière aléatoire dans le temps. C’est en tout cas le modèle que l’on a aujourd’hui.

Quelles différences y a-t-il entre les deux événements sismiques survenus au Japon et en Equateur ?

Il y a plusieurs différences : d’abord, le caractère même du séisme. En Equateur, c’est un séisme de subduction, c’est-à-dire que la plaque tectonique de Nazca (sous l’océan Pacifique) plonge progressivement sous la plaque sud-américaine. Pour le Japon, le séisme s’est produit à l’intérieur même d’une plaque, c’est une déformation locale.

Deuxièmement, le séisme qui s'est produit en Equateur était beaucoup plus fort, 7,8 de magnitude contre 7 au Japon. La différence peut paraître minime, mais elle est en réalité très importante. L'énergie déployée est bien plus forte : le séisme en Equateur a été environ quinze fois plus puissant que celui au Japon.

Il n'empêche que les dégâts au Japon ont été importants parce que le séisme était superficiel, de l'ordre de 5 à 10 km de profondeur, alors qu'il était à environ 25 km de profondeur en Equateur. Là aussi, cela fait une grosse différence, car plus le séisme est proche de la surface, plus il fait de dégâts.

Les évènements des derniers jours peuvent donner le sentiment que le nombre de séismes augmente. Est-ce seulement une impression ?

C’est effectivement une impression, mais elle est liée au caractère aléatoire des séismes. Comme c’est aléatoire, il n’y a pas de périodicité. On ne peut donc pas mesurer d'augmentation ou de diminution.

Par contre, le caractère aléatoire des séismes fait qu’il y a parfois des séries, comme entre 2004 et 2011 à Sumatra. Il y a eu effectivement beaucoup de séismes à cette période dans cette zone. Mais c’est compensé a posteriori par une période de calme. C’est en tout cas de loin l’hypothèse la plus probable qu’ont les chercheurs à l'heure actuelle.

Et c’est la même chose pour l’intensité des séismes. Ils ne sont pas plus forts ou moins forts qu’autrefois. Par contre, prenez deux séisme de même intensité, sur la même zone, mais à un siècle d’intervalle : si l’habitat s’est beaucoup développé et que la population a augmenté entre-temps, le même séisme fera plus de dégâts.

Pouvait-on prévoir ces séismes ? Et doit-on s'attendre à ce que d'autres se produisent ?

De manière générale, il y a effectivement souvent des répliques de degré inférieur au séisme le plus fort. Mais on ne peut jamais prévoir précisément un séisme, ce sont des probabilités.

Je ne prends aucun risque à dire, par exemple, qu’il y aura un séisme de magnitude 6 en Californie dans les 50 prochaines années, mais ce type de prédiction est inutile dans la pratique, puisqu'on ne va pas évacuer la population pour un risque qui s’étale sur un demi-siècle.

A la vitesse où avance la subduction dans cette zone, le séisme qui a eu lieu en Equateur, lui, n'était pas surprenant en soi : la plaque de Nazca plonge sous la plaque sud-américaine à raison de 5 cm par an. On sait donc qu’un gros séisme comme ça se produit environ tous les siècles, et il y en avait justement eu un au début du XXe siècle. On pouvait donc s'attendre à celui de samedi. On aurait par contre été incapable de donner une date, une heure et un lieu précis.

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