A Portel-des-Corbières, "les gens n'imaginent pas les dégâts qu'une inondation peut faire"
Ce petit village de l'Aude a vu le niveau de la rivière grimper jusqu'à 8,5 m en une nuit. Francetv info est allé à la rencontre des sinistrés.
Ils n’avaient pas vu ça depuis 1999. A Portel-des-Corbières, dans l’Aude, la Berre a brusquement quitté son lit dans la nuit de samedi à dimanche 30 novembre. En quelques minutes, l’eau a envahi les caves et habitations près du fleuve. Sur le quai, les voitures ont été soulevées par les flots et entassées contre un arbre. Certaines ont été emportées jusque dans le lit de la rivière. Le niveau de l'eau est monté jusqu’à 8,5 m, au-delà des 7,4 m enregistrés il y a 15 ans.
Selon les comptes de la préfecture, une quarantaine de personnes ont été évacuées au plus fort de la crue. Mais les dégâts sont surtout matériels. Voitures, chaudières, motos, télévisions, outils… Lundi 1er décembre, l’heure était au nettoyage et à l’inventaire dans les rues du village. Francetv info a recueilli le témoignage des habitants sinistrés.
Jacquie, 67 ans : "On n'allait pas risquer notre vie pour une camionnette"
Au milieu du "charivari" de sa cave sinistrée, Jacquie tente de positiver. "Mon mari aime bien tout garder", confie la retraitée, en jetant un œil à l’enchevêtrement de chaises, d’outils et de meubles. "Là, au moins, on va pouvoir jeter des choses..." Dans la nuit de dimanche à lundi, le couple de retraités a été surpris par la montée des eaux. "Un employé de mairie nous a prévenus. Mon mari a juste eu le temps de sortir la voiture, en pyjama", raconte-t-elle. Le couple, dont l’habitation se trouve à l’étage, est ensuite évacué.
La camionnette entreposée dans la cour a eu moins de chance. "On n'allait pas risquer notre vie pour ça", estime Jacquie. D’autant plus que l’engin avait déjà pris l’eau, il y a 15 ans. Le véhicule avait survécu mais "là, c’est fini", reconnaît-elle devant l'épave recouverte de limon. La piscine démontable, elle, est partie se promener dans le village, emmenée au-dessus de la clôture par les eaux. "On l’a retrouvée sur le quai" 500 m plus loin, raconte l'habitante. Mais le principal problème est ailleurs : "L’urgence, c’est la chaudière", hors d’usage. En attendant qu’elle soit réparée, quatre petits radiateurs électriques assurent l’intérim.
La sexagénaire ne décolère pas contre les autorités. "La rivière, ça commence à bien faire ! fulmine-t-elle. Il y a trop de sable, elle n’est pas entretenue, donc automatiquement..."
Pascal, 49 ans : "Il y avait encore mes cartons de déménagement"
Pascal a la poisse. Ce père de famille a emménagé dans sa maison près de la Berre en juin. Lorsque l’eau est montée dans sa cave, "iI y avait encore mes cartons de déménagement", lâche-t-il, amer. "J’avais dit à ma fille : 'Tes livres, on va les monter ce week-end'", raconte Pascal, en jetant un œil aux cartons de bouquins éventrés.
Il en veut à la mairie, qui n’a pas fermé le parking devant chez lui où se trouvaient les deux voitures de la famille, et ne l’a pas prévenu. "On ne savait même pas qu’on était en vigilance rouge, peste-t-il. Une heure avant, on était en orange..." Et Pascal de continuer : "Le temps de voir que l’eau montait dans le garage et d’aller chercher les clés de voiture, c’était trop tard." Sa Twingo n’a pas bougé, mais sa 307 si. "Elle flottait, on a dû aller la chercher avec des cordes", raconte-t-il.
Surtout, Pascal a probablement perdu sa moto, non assurée. Il tente tant bien que mal de la redémarrer, avec l'aide des voisins et des journalistes de passage. "Je n’ai pas beaucoup de joujoux, mais celle-là, c’en était un, confie-t-il. Si jamais il y a des gens qui veulent m’aider à la réparer..."
Maud, 27 ans : "Avec 600 euros par mois, je ne vais pas pouvoir me repayer une voiture"
A quelques mètres de là, Maud enrage. La jeune femme est la propriétaire de la voiture tombée dans le lit du fleuve. Son compagnon possède la voiture pliée et remplie de boue qu’on emmène à la casse."Les assurances ne vont pas payer parce qu’on n'a pas l’option catastrophe naturelle. En gros, si vous n'avez pas assez pour vous payer l’assurance tous risques à 80 euros par mois, vous vous démerdez", tempête-t-elle.
Samedi soir, le couple avait garé ses deux voitures 500 m plus loin. Ils n’ont pas de garage : "Il n’y a que là qu’on peut se garer", confie-t-elle. Elle ne s’est pas méfiée de la vigilance orange annoncée par Météo France. "Cela fait 15 jours qu’on est en vigilance orange", justifie Maud. Elle ne sait pas comment elle va s’en sortir financièrement. "Avec 600 euros par mois, je ne vais pas pouvoir me repayer une voiture", explique la jeune femme, qui travaille à mi-temps dans un cinéma de Narbonne. Heureusement, le grand-père de son conjoint leur a prêté une voiture pour dépanner.
Sabrina, 33 ans : "J’étais perdue. Dans ces situations-là, on est paumé, on panique"
Samedi soir, Sabrina a surveillé la rivière jusqu’à 2h30 du matin. Puis, elle s’est assoupie. "Ce sont mes beaux-parents qui sont venus me chercher quand je dormais", se souvient-elle. La jeune femme poursuit : "J’ai fait un sac et je suis partie avec mon fils. Quand j’ai ouvert la porte en bas, une vague est rentrée : 20 cm d’eau d’un coup ! J’étais perdue. Dans ces situations-là, on est paumé, on panique."
La petite famille se réfugie un peu plus haut dans le village, avant de venir constater l’étendue des dégâts le lendemain. "Je ne pouvais pas nettoyer tout de suite. Je ne savais pas par où commencer", raconte Sabrina. Mais des habitants du quartier viennent spontanément l’aider. "Des gens sont entrés avec les raclettes et ils ont commencé à faire sortir l’eau. C’étaient des gens que je connaissais mais avec qui je n’avais pas de relations", confie la trentenaire, visiblement touchée par cette solidarité.
Côté dégâts, cette pilote de rallye amateure a vu son bolide – "équipé, cela vaut 20 000 euros !" – prendre l’eau, tout comme sa machine à laver et son adoucisseur d’eau. Et le mur du hall d’entrée commence à gonfler. "J’ai quand même de la chance. Certains ont leur habitation au rez-de-chaussée", reconnaît Sabrina. Mais, "on n'imagine pas les dégâts que ça peut faire", résume-t-elle.
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