Meurtre de Laëtitia : Tony Meilhon va-t-il sortir de son silence ?
Ce multirécidiviste de 33 ans est jugé à Nantes pour l’enlèvement, le meurtre et le démembrement d’une jeune fille, près de Pornic en janvier 2011.
Au moins 40 témoins, 11 parties civiles et 110 journalistes. La cour d’assises de Loire-Atlantique, à Nantes, n’est pas assez grande pour accueillir la foule attendue au procès de Tony Meilhon, qui s’ouvre mercredi 22 mai. Une salle de retransmission a été aménagée.
Le crime pour lequel est jugé cet homme de 33 ans est encore dans beaucoup d'esprits. Les 1er février et 9 avril 2011, le corps démembré de la jeune Laëtitia Perrais était découvert dans deux étangs de la région. Tony Meilhon est rapidement soupçonné. Retour sur l’un des faits divers les plus médiatiques de ces deux dernières années.
Le crime : une jeune fille étranglée puis démembrée
Le 19 janvier 2011, la disparition de Laëtitia Perrais, 19 ans, est signalée au petit matin par sa famille d’accueil à la gendarmerie de Pornic. La jeune fille n’est pas rentrée chez elle après son service dans un restaurant de La Bernerie-en-Retz. Son scooter est retrouvé sur le bas-côté de la route, à deux kilomètres de chez elle.
Très vite, les soupçons se portent sur Tony Meilhon, avec lequel elle a été aperçue à plusieurs reprises le soir de sa disparition. Interpellé et placé en garde à vue, Tony Meilhon prétend avoir tué accidentellement Laëtitia Perrais en la renversant avec sa voiture. Il affirme avoir ensuite jeté son corps dans la Loire, depuis le pont de Saint-Nazaire. Du sang appartenant à la victime est retrouvé dans son véhicule, une 106 blanche volée.
L’enquête et l’autopsie permettent finalement d’établir que la jeune serveuse a bien chuté de son deux-roues, vers 1 heure du matin, après avoir été percutée par l’accusé. Mais ce n’est pas la cause de sa mort. Elle a été étranglée, avant d’être poignardée 44 fois. Son corps a ensuite été démembré à la scie à métaux. Les morceaux, ceints dans du grillage, sont retrouvés. Tony Meilhon, lui, s’enferme dans un mutisme entêté.
L’accusé : un multirécidiviste à tendance psychopathique
Lors de son arrestation, l’accusé est déjà connu des services de police. Il a écopé de 13 condamnations. Majoritairement pour des faits de vols et de violences aggravés, d’outrages et de refus d’obtempérer. Mais en mars 2001, un palier est franchi avec sa condamnation, à quatre ans de prison ferme, pour le viol d’un codétenu. A l’époque, l’expertise psychiatrique révèle une personnalité à tendance psychopathique, dominée par l’impulsivité et une absence de culpabilité.
Tony Meilhon a 4 ans quand ses parents se séparent – son père est aujourd’hui décédé. Il vit mal cette rupture et n’accepte jamais le remariage de sa mère, six ans plus tard. Placé à deux reprises en foyers pour des problèmes comportementaux, il délaisse sa scolarité et s’enfonce dans la délinquance. Il terrorise son entourage familial, qui porte plainte plusieurs fois contre lui. Fait rare, sa mère compte se porter partie civile à l’ouverture du procès mercredi. Elle considère que son fils l’a "déshonorée et salie".
Tony Meilhon est jugé pour avoir enlevé, séquestré, tué et démembré la jeune fille. Mais le crime de viol n’a pas été retenu. Cependant, des SMS envoyés par la victime à un ami le soir des faits jettent le trouble. Un incident de nature sexuelle entre les deux jeunes gens offrirait un début d’explication à la folie meurtrière de Tony Meilhon.
L’accusé, consommateur régulier de cannabis, d’alcool et de cocaïne, a été reconnu responsable de ses actes et ne souffre d’aucune pathologie psychotique (schizophrénie, paranoïa…). S’il a fait mine de ne plus se souvenir d’avoir découpé le corps de Laëtitia Perrais, indiquant à plusieurs reprises que "le diable" s’était emparé de lui, il a tenu des propos allant dans le sens inverse devant des militaires. Et s’est montré provoquant à plusieurs reprises, prononçant des mots injurieux à l’égard de la victime, ou se moquant de l’incapacité des enquêteurs à retrouver son corps. Ses deux tentatives de suicide en prison pourraient avoir "une dimension utilitaire", selon l’ordonnance de mise en accusation. Les avocats des parties civiles redoutent ainsi un "show" de l’accusé pendant le procès, alternant entre silence et rebuffades.
La controverse : le suivi des condamnés en question
Laëtitia Perrais a bien failli ne jamais croiser la route de Tony Meilhon. Le 4 janvier 2011, le parquet de Nantes émet un mandat de recherche car le multirécidiviste a omis de signaler son adresse, comme doivent le faire toutes les personnes inscrites au Fichier des auteurs d’infraction sexuelle. Une plainte pour agressions sexuelles a en outre été déposée par son ex-petite amie en décembre 2010.
Malgré son contrôle judiciaire et sa mise à l’épreuve, le trentenaire n’est pas suivi par le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) de Nantes depuis sa sortie de prison, en février 2010. Sa dernière condamnation – outrage à magistrat – vaut à son dossier d’être mis en attente, comme près de 800 autres. Avec 3 300 (ex-) détenus à suivre, les 17 agents de probation du service sont débordés.
Quand le corps démembré de Laëtitia Perrais est découvert, Nicolas Sarkozy met directement en cause les juges d’application des peines. "Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute", lance le chef de l’Etat. Ses propos provoquent une révolte sans précédent des magistrats. Ils observent une grève de dix jours dans toute la France. Finalement, la sanction tombe sur le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes, muté.
Même si les juges sont blanchis par les rapports d’inspection, l’affaire "reste un traumatisme dans le monde judiciaire", écrit Libération en mai. Et dans celui du suivi pénitentiaire. Un agent de probation confie au quotidien avoir "la peur de se réveiller, un matin, en entendant à la radio un fait divers qui concerne une des personnes qu’[il] suit". Le nombre de dossiers – 130 en moyenne par conseillers -, lui, n'a pas diminué depuis ce cas.
L’affaire dans l’affaire : le père d’accueil de Laëtitia poursuivi pour viol sur sa sœur jumelle
Laëtitia Perrais avait une jumelle, Jessica. Leur enfance se déroule dans un climat familial violent, marqué par la condamnation pour viol de leur père sur leur mère. Les sœurs ont été placées en 2005 chez les époux Patron, à l’âge de 12 ans.
Les deux filles coupent plus ou moins les ponts avec leurs parents biologiques. Et tentent de se reconstruire au sein de leur famille d’accueil. Mais quelques mois après le meurtre de sa sœur, Jessica Perrais porte plainte pour attouchements et agressions sexuelles contre Gilles Patron, 61 ans. Ce dernier, également sous le coup de cinq autres mises en examen pour des faits de nature sexuelle sur des mineurs, est renvoyé devant les assises de Loire-Atlantique. Il devrait être jugé en début d’année prochaine.
Selon des sources proches du dossier, Laëtitia Perrais aurait confié à une amie avoir été violée par Gilles Patron. L’ex-assistant familial sera présent au procès. Et fera une nouvelle demande de constitution de partie civile, rejetée une première fois, étant donné les faits pour lesquels il est poursuivi. "Jessica redoute le procès car elle va être confrontée à Tony Meilhon, mais aussi à Gilles Patron", souligne son avocate. Les trois semaines d’audience s’annoncent éprouvantes.
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