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Afghanistan: premières négociations avec des talibans, mais lesquels?

Une délégation du gouvernement afghan a rencontré au Pakistan des talibans pour discuter d'éventuels pourparlers de paix, le 7 juillet 2015. Un événement qui a enthousiasmé les Etats-Unis et l'ONU. Pourtant, les divisions au sein du mouvement et le mystère autour des dirigeants de la rébellion donnent peu d'espoir quant à son aboutissement.
Article rédigé par Amira Bouziri
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des talibans capitulent face aux autorités afghanes à Badghis, une province du nord-ouest de l'Afghanistan, le 11 juillet 2015. (Badghis Governorship / ANADOLU AGENCY)

C'est la première fois que des talibans acceptent de discuter officiellement avec le gouvernement afghan. La rencontre a eu lieu à Muree, dans le nord d'Islamabad au Pakistan, et une deuxième devrait avoir lieu les 15 et 16 août au Qatar. Cet événement a été vivement salué par les Etats-Unis, la Chine -qui supervisent les négociations-, ou encore l'ONU. L'enthousiasme a été cependant de courte durée. Le 12 juillet, un attentat près d'une base de l'OTAN, dans la province afghane de Khost, a fait 33 morts dont 27 civils afghans. Cette attaque est une preuve concrète que la paix est loin d'être acquise.
 
Des cadres intermédiaires à Muree
«Les talibans présents à la rencontre de Muree y ont été amenés par le Pakistan. Les vrais talibans ayant de l'influence pour les pourparlers sont basés au Qatar», affirme le commandant Ershad Gazi à l'AFP. Selon lui, les insurgés qui se sont déplacés le 7 juillet à Muree ne représentent pas le mouvement, mais seulement un groupe favorable aux discussions. L'information fragilise le sérieux de la rencontre.
 
De plus, si le mollah Omar a enfin fait une déclaration sur le site officiel des talibans estimant les pourparlers de paix, en général, «légitimes», le mystère règne autour du chef suprême. Souvent donné pour mort, il vivrait au Pakistan mais n'a jamais fait d'apparition publique. Jusqu'à cette récente déclaration, les commandants des rebelles étaient restés sans message clair de la part de la direction.

Ces négociations sont-elles vraiment approuvées par le mouvement? Les cadres talibans, installés au Qatar, n'ont fait aucun commentaire, ni de condamnation depuis que les négociations ont commencé. «Ceux qui ont représenté les talibans dans ces discussions étaient des cadres intermédiaires de la commission politique… La direction des talibans demeure très prudente. Nous ne sommes pas pressés», a expliqué précautionneusement à l'AFP, un membre du commandement central situé au Pakistan.
 
Les talibans divisés
Le mouvement des talibans, né en 1994 en Afghanistan, a été chassé du pouvoir en 2001, mais est toujours très présent sur les territoires afghans et pakistanais. 
On distingue deux groupes dans ce même mouvement: les talibans afghans et les talibans pakistanais, appelés Tehrik-e-Taliban Pakistan (Mouvement des talibans du Pakistan). Les premiers se battent contre toute présence militaire occidentale en Afghanistan depuis que la guerre a commencé en 2001, alors que les seconds combattent essentiellement l'armée pakistanaise «soutien des Etats-Unis», principalement dans le nord du pays.
 
En plus de ces divisions, des fissures apparaissent dans le mouvement, notamment depuis l'arrivée de l'Etat islamique dans cette région du monde. Plusieurs groupes de combattants talibans auraient prêté allégeance à Daech ces derniers mois. Ces infidélités n'ont pas plu aux talibans afghans qui ont, en juin 2015, envoyé une lettre au calife autoproclamé de l'Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi. Dans cette missive, on lui demande de ne plus appeler les rebelles afghans à rejoindre Daech et de ne pas s'implanter en Afghanistan.
 
Que reste-il du mouvement? Qui le dirige vraiment? Les négociations entamées sont-elles prises au sérieux côté taliban? Ce qui est sûr, c'est que de nombreux combattants restent campés sur leurs positions: il n'y aura pas de discussion tant qu'il restera des forces étrangères sur le territoire afghan. La division des groupes, entre pro et anti-négociations et ceux qui ne donnent pas leur avis, ajoute à la difficulté d'arriver à un éventuel accord. Mais, surtout, par la suite, à le faire respecter.

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