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Départ des soldats étrangers d'Afghanistan : "Il y a une possibilité d'effondrement du système sécuritaire afghan dans les prochains mois", estime un professeur de sciences politiques

Les derniers soldats américains présents en Afghanistan commencent à quitter le pays à partir de samedi. Un départ qui risque de mettre à mal la sécurité désormais gérée par les troupes afghanes, selon Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques.

Article rédigé par franceinfo
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Des soldats de l'armée nationale afghane (ANA) marchent dans une base militaire américaine, qui a récemment été remise aux forces afghanes dans la province de Nangarhar. (NOORULLAH SHIRZADA / AFP)

Vingt ans après le début de la guerre, les États-Unis entament la dernière phase du retrait de leurs troupes d'Afghanistan. 2 500 soldats doivent quitter le territoire d'ici au 11 septembre, en plus des quelque 7 000 militaires de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Pour le professeur de sciences politiques à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et spécialiste de l'Afghanistan, Gilles Dorronsoro, "l'armée afghane est incapable d'assurer la sécurité de façon sérieuse". Ce départ pourrait donc provoquer "un effondrement du système sécuritaire afghan dans les prochains mois".

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franceinfo : ce départ est-il une bonne nouvelle pour les Afghans ou un danger de plus  ?

Gilles Dorronsoro : Il y a des inquiétudes tout à fait justifiées chez certains groupes, notamment chez les femmes qui travaillent. On peut aussi ajouter certains groupes ethniques comme les chiites, des groupes religieux, qui vont beaucoup perdre au retrait occidental. Il suffit de regarder le rapport de forces militaires : l'armée afghane est incapable d'assurer la sécurité de façon sérieuse sur territoire afghan et on va le voir dans les prochains mois.

Ça veut dire qu'un chaos va se mettre en place  ?

La situation déjà extrêmement dégradée puisque l'insurrection talibane contrôle environ 50% du territoire. Le retrait américain concerne non seulement les troupes au sol, mais aussi le soutien aérien et c'est ce soutien aérien qui a permis de maintenir une espèce d'équilibre. Si on n'a plus de soutien aérien américain, et si on n'a plus de forces spéciales, ce qu'on peut craindre, c'est la chute de villes aux mains des talibans. Et là, il n'y aura plus de possibilités de reprendre ces villes. Il y a donc une possibilité d'effondrement du système sécuritaire afghan dans les prochains mois, en tout cas après le retrait qui est prévu le 11 septembre.

Est-ce qu'on peut espérer une concorde politique entre les talibans et le pouvoir  ?

Il y a très peu de chances pour qu'on ait un accord politique, qui supposerait des modalités d'arbitrage, que les talibans s'auto limitent, qu'ils renoncent à l'idée d'avoir un monopole sur le pouvoir. Après vingt ans de guerre qu'ils ont finalement gagnée, je vois mal la direction des talibans dire 'on va organiser des élections libres, c'est le vainqueur des élections qui va gouverner.' Ça ne se passe pas comme ça. De plus, on a un problème majeur pour cette concorde : il faudrait une fusion des armées talibanes qui sont solides et bien constituées, avec l'armée régulière. Ça me paraît tout à fait impossible. Malheureusement, il ne va très probablement pas y avoir de compromis politique.

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