Emmanuel Macron veut "protéger l'Europe des flux migratoires" venus d'Afghanistan : une déclaration "complètement indigne", s'emporte François Gemenne
"Demander l'asile, c'est un droit fondamental", martèle le directeur de l'observatoire Hugo à l'Université de Liège en Belgique.
"C'est une déclaration qui me semble complètement indigne au regard des circonstances actuelles", critique François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement, enseignant à Sciences po et directeur de l'observatoire Hugo à l'Université de Liège en Belgique, lundi 16 août au soir sur franceinfo, alors qu'Emmanuel Macron vient d'annoncer une "initiative" européenne pour "protéger" contre des flux migratoires "irréguliers" en provenance d'Afghanistan, après la prise de Kaboul par les talibans. Une déclaration qui provoque de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. "C'est particulièrement choquant", s'indigne l'universitaire.
franceinfo : Que pensez-vous des propos du président de la République sur les flux de migrants afghans ?
François Gemenne : C'est une déclaration qui me semble complétement indigne au regard des circonstances actuelles.
"En tant que chercheur, je suis assez abasourdi par ces déclarations, en tant que citoyen j'ai tout simplement honte."
François Gemenne, universitaireà franceinfo
L'idée que notre première préoccupation au regard de la situation terrible dans ce pays soit de nous "protéger", nous, contre des flux qu'il estime "irréguliers" alors que ce sont des gens qui vont chercher à sauver leur vie, me paraît complètement indigne, en dessous de tout et complètement irrespectueuse des principes élémentaires du droit international et humanitaire. Les membres de l'extrême droite, le Rassemblement national estimaient depuis ce matin sur les réseaux sociaux qu'il fallait nous protéger contre ce qu'ils appelaient un "tsunami migratoire", et voilà que le soir-même le président de la République reprend leurs mots à son compte. C'est particulièrement choquant.
Emmanuel Macron s'est aussi engagé à accueillir les Afghans qui ont travaillé avec la France et l'armée française.
Ça me paraît être la moindre des choses que de pouvoir rapatrier en France, en sécurité, ceux qui ont collaboré avec la France et notamment l'armée française, parce qu'on sait très bien que les talibans établissent des listes, qu'ils viendront chercher ces personnes et qu'ils risquent de les exécuter ou de les emprisonner. Ça me paraît être le minimum humanitaire que la France puisse faire au regard des services rendus, mais il faut faire bien davantage. Ce sont des gens qui vont chercher à sauver leur vie donc je souhaite que l'Europe et d'autres puissent en accueillir le plus possible parce que c'est une question d'urgence et c'est une question de vie ou de mort pour ces gens.
Que faut-il faire, selon vous ?
Je crains qu'on ne soit à nouveau, parce que nous avons été traumatisés par l'expérience de la crise des réfugiés syriens entre 2014 et 2016, dans une logique où on va chercher à empêcher ces flux migratoires ou à les sous-traiter à d'autres pays, l'Iran, la Turquie, le Pakistan.
"Il faut que nous puissions aussi tirer les leçons de l'expérience de la crise syrienne où la réponse européenne avait été en dessous de tout."
François Gemenneà franceinfo
On se rend bien compte qu'il est vain et dangereux de vouloir essayer d'empêcher ces flux migratoires. Essayons de les organiser pour que ces gens puissent arriver dans de bonnes conditions et se mettre en sécurité, et il y a plein de pistes pour cela. Il faut une initiative européenne, à laquelle pourraient s'associer d'autres pays comme la Grande-Bretagne, pour organiser l'accueil de ceux qui parviendront à fuir le pays. Il faut essayer de faciliter autant que possible la fuite de ceux qui sont menacés. On pourrait, avec les pays limitrophes, organiser des visas humanitaires de manière à ce que ceux qui sont coincés dans ces pays puissent arriver en Europe. Tant que c'est encore possible, on peut essayer d'organiser un pont aérien pour évacuer un maximum de personnes. On a vu ces gens désespérés qui s'accrochaient à des avions. Demander l'asile, c'est un droit fondamental.
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