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Une foule en délire à Kaboul pour la 11e édition de Mister Afghanistan

Organisée depuis 2002, la 11e édition de Mister Afghanistan s’est tenue le 24 août dernier à Kaboul avec près de 435 bodybuilders venus des 28 des 34 provinces du pays. Au coeur d’un pays ravagé par la guerre, cette compétition unique en Afghanistan soulève l’enthousiasme des foules.

Article rédigé par Mélanie Kominek
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Corps huilés et athlètes bodybuildés se succèdent en musique face à un public conquis (Mélanie Kominek / Radio France)

Les bodybuilders afghans se sont donné rendez-vous cette semaine à Kaboul pour l'élection de Mister Afghanistan. Le bodybuilding reste l'un des sports les plus populaires du pays, au point d'avoir été autorisé sous le régime taliban entre 1996 et 2001. Organisée par le comité olympique afghan depuis 2002, la 11e édition de la compétition s’est tenue le 24 août dernier à Kaboul avec près de 435 athlètes venus des 28 des 34 provinces du pays. Au coeur d’un pays ravagé par la guerre, cette compétition, exclusivement masculine, unique en Afghanistan soulève l’enthousiasme des foules. 

Corps huilés et athlètes bodybuildés 

Même les talibans n’avaient jamais réussi vraiment à l'interdire. Le culturisme reste le sport le plus populaire du pays et chaque année, c’est dans la plus grande effervescence que se déroule l’élection de Mister Afghanistan. Ici corps huilés et athlètes bodybuildés se succèdent en musique face à une foule en délire. Car si cette compétition permet aux sportifs d’exhiber le fruit de leur travail dans les nombreuses salles de sport que compte le pays, elle permet également à la population de prendre part à une compétition sportive, chose plutôt rare en Afghanistan. 

Sur le podium, uniquement des hommes. Les femmes, bienvenues dans les gradins, ne sont pas autorisées à concourir (Mélanie Kominek)

On doit tout payer nous- mêmes - les entraînements, les coachs - et on n’a pas toujours les moyens de suivre un régime strict pour la compétition. Il n’y a pas beaucoup de sponsors non plus.

Mohammad – Bodybuilder

Selon Mohammad, qui a gagné dans sa catégorie (55kg), le challenge est de taille : "Ce n’est pas simple de s’entraîner pour devenir champion de bodybuilding en Afghanistan, explique le bodybuilder. On doit tout payer nous- mêmes - les entraînements, les coachs - et on n’a pas toujours les moyens de suivre un régime strict pour la compétition. Il n’y a pas beaucoup de sponsors non plus. Il faut vraiment faire beaucoup de sacrifices pour arriver sur le podium." 

Le culte du corps reste une affaire d’homme

Le podium est exclusivement masculin : ici, le culte du corps reste une affaire d’homme. Pas d'élection de Miss Kaboul pour le moment, mais les femmes restent tout de même les bienvenues dans les gradins. De là à les voir applaudir des hommes torses nu, il faudra encore attendre un peu. "C’est un problème culturel en Afghanistan, déplore Bawhar Hotak, président de la fédération de bodybuilding et vice-président du comité olympique. Les femmes dans l’Islam ne sont pas autorisées en théorie à regarder des hommes sans vêtements, donc c’est difficile pour elle de venir assister à une compétition de bodybuilding." 

La police armée dans la foule 

Dans la foule, la police armée de fusils et d’AK47 rappelle effectivement que l’Afghanistan n’en demeure pas moins un pays islamique conservateur. Ce genre de compétition n’est donc pas forcément du goût de tous et certains athlètes doivent gérer leurs carrières en dépit des menaces. D’où la présence ce jour-là de sportifs de haut niveau pour encourager les athlètes. "Je suis devenu un symbole d’unité dans un pays ravagé par la guerre et qui se déchire aussi à cause de ses ethnies, témoigne Baz Mohammad Mubarez, champion international afghan d’Arts martiaux mixtes. Ça me donne beaucoup de responsabilité. Je fais de mon mieux pour être présent pour eux et donner du sens aux espoirs de ces athlètes." 

Mister Afghanistan, élu en fin de journée face à une foule conquise, disparaîtra aussitôt, par peur des représailles (Mélanie Kominek / Radio France)

Une fois élu, Mister Afghanistan disparaitra, par peur des représailles 

La compétition fera également place à une série d’athlètes handicapés, ainsi qu’aux plus de 40 ans. Elle accueille même pour la première fois de son histoire un étranger américain sur le podium. Parmi les lots remis aux gagnants, des médailles et des coupes, mais aussi des compléments alimentaires, de l'argent dans des enveloppes et même... des sacs de riz de 20 kg. Mister Afghanistan, élu en fin de journée devant un public conquis, a, de son côté, disparu aussitôt, par peur des représailles.

Depuis 1936, année de création du comité olympique afghan, l'Afghanistan n'a participé qu'à une quinzaine de compétitions seulement aux Jeux olympiques d’été. Le pays ne compte à ce jour qu'un seul et unique médaillé afghan de taekwondo.

Mélanie Kominek, correspondante de franceinfo à Kaboul, était dans le public, essentiellement composé d'hommes (Mélanie Kominek / Radio France)

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