15 août 1944 : pieds-noirs, Algériens, Marocains et Sénégalais aux avant-postes du débarquement de Provence
Aux côtés des troupes anglo-américaines, les soldats issus de l’empire colonial français ont joué un rôle important dans la libération de la France. De 1940 à 1945, 55 000 soldats algériens, tunisiens, marocains et ouest-africains sont morts dans les batailles de Tunisie, d’Italie et sur le sol métropolitain.
En novembre 1942, les troupes américaines débarquent au Maroc et en Algérie, avec l’idée d’ouvrir un nouveau front en Méditerranée. Ce débarquement entraîne le "ralliement" des troupes françaises d’Afrique du Nord aux côtés des forces du général de Gaulle. A Alger, la prise de la ville se fait en une journée grâce à la résistance française. Mais au Maroc, les généraux du régime de Vichy accueillent les Américains à coup de canon. Quant à la Tunisie, alors sous protectorat français, elle est livrée aux Allemands par les officiers vichystes.
La première bataille de l’armée française ainsi reconstituée a justement lieu en Tunisie et Libye du 12 novembre 1942 au 7 mai 1943 avec 63 000 combattants engagés (au côté des alliés anglo-américains du général Montgomery) contre les troupes allemandes de l’Afrikaakorps du général Rommel. Equipée par les Américains, cette armée d'Afrique compte principalement des Français et des Algériens, qui laisseront 2156 morts dans les sables du désert tunisien et libyen.
La bataille de Monte Cassino
La défaite allemande en Tunisie permet d’enclencher le débarquement allié en Sicile. 100 000 soldats du Corps expéditionnaire français en Italie (CEFI) combattent de novembre 1943 à juillet 1944 sous les ordres du maréchal Juin et de la Ve armée du général américain Clark qui compte 360 000 hommes.
Les goumiers algériens et marocains s'illustrent dans la bataille cruciale de Monte Cassino. Ils vont réussir à franchir les hauteurs du Mont Cassin avec leurs mulets, dans la boue, les rochers et le froid, sous le feu des balles allemandes.
Un peu plus tôt, les Américains avaient débarqué dans la baie marécageuse d'Anzio près de Naples avec leurs blindés et leurs jeeps… et s'étaient enlisés. Sans appui, la Ve armée piétine devant le Monte Cassino, imprenable.
Le général Juin tente alors de passer à pied avec ses troupes aguerries, à travers l'étendue montagneuse des monts Aurunci pour gagner Rome. En plein hiver, avec leurs sommets escarpés, leurs falaises abruptes, sans route, sans abri pour dormir, ces sommets avaient été classés comme infranchissables par les Allemands, qui n'avaient donc pas placé de troupes à cet endroit.
Pendant trois mois, les militaires algériens et marocains supportent les conditions climatiques hivernales, épouvantables à cette altitude. Ils souffrent de faim car l'intendance suit difficilement avec les mulets chargés de nourriture, d'eau et de munitions. La bataille s'avère très meurtrière : 7250 soldats sont tués, soit en moyenne 9 à 10% de l'effectif engagé. On compte par ailleurs plus 21 000 blessés et 4200 disparus. Grâce à cette victoire décisive, les Alliés peuvent alors entrer dans Rome.
Autre combat, plus mineur, celui pour libérer l'île d'Elbe, au large de la Corse. L'opération est commandée par le général de Lattre de Tassigny. Lequel a sous ses ordres la 9° division d'infanterie coloniale (DIC), le deuxième groupe de tabors marocains, le groupe des commandos d'Afrique et le bataillon de choc du lieutenant-colonel Gambiez. Au total 12 000 hommes, qui remportent un rapide succès.
Le débarquement de Provence
Un peu plus de deux mois après l'opération Overlord sur les plages de Normandie, une autre intervention sur les côtes provençales (de son nom de code Dragoon) doit compléter la stratégie alliée et achever la prise en étau de l'armée allemande. Le manque de bateaux disponibles retarde l'opération Dragoon, qui devait initialement se dérouler dès le mois de juin. Tirailleurs sénégalais et algériens, goumiers et tabors marocains, pieds-noirs, marsouins du Pacifique et des Antilles vont jouer un rôle crucial dans le débarquement en Provence en août 1944.
Fin 1944, la Deuxième armée, dirigée par le général de Lattre de Tassigny, compte près de 600 000 hommes, dont deux-tiers venus d'Afrique du Nord, parmi lesquels 176 000 "Européens" et 233 000 "musulmans", selon la dénomination de l'époque.
Alors que seuls quelques dizaines de Français du commando Kieffer ont été engagés au côté des troupes américaines, britanniques et canadiennes sur les plages normandes le 6 juin 1944, l'armée dirigée par de Lattre est la première à participer, sous les couleurs françaises, à une opération d'envergure menée par les Alliés.
Sans son empire, la France ne serait qu'un pays libéré. Grâce à son empire, la France est un pays vainqueur.
Gaston Monnerville, député de Guyane
Le 15 août, peu après minuit, les premiers soldats français des commandos d'Afrique escaladent la falaise du Cap Nègre, tandis que le Groupe naval d'assaut est décimé à la pointe de l'Esquillon (ouest de Cannes), minée. Le lendemain, la Deuxième armée débarque à Cavalaire et met le pied sur le sol de la France occupée. "Sur les navires, éclate la Marseillaise, la plus poignante qu'on ait jamais entendue", écrira de Lattre.
La majorité des plus de 250 000 hommes qui participent au débarquement de Provence sous les couleurs de la France, foulent la terre de la métropole pour la première fois.
Toulon, protégé par une garnison allemande de 20 000 hommes, tombe le 27 août après plusieurs jours d’intenses combats. Marseille capitule le lendemain, ouvrant la voie à la prise d’Avignon et à la remontée de la vallée du Rhône. Puis ce sera la libération de Lyon, Dijon, Colmar et enfin le 23 novembre 1944 Strasbourg, mettant fin à plus de quatre années d’occupation allemande sur le territoire français.
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