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60 ans des accords d'Evian : les pieds-rouges, ces milliers de militants venus aider l'Algérie indépendante

Ils vont faire le chemin inverse de celui des pieds-noirs. Les pieds-rouges – car souvent communistes  arrivent dès 1963 pour aider l'Algérie nouvelle, "ce nouveau Cuba" aux portes de l'Europe.

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Le président algérien, Ahmed Ben Bella, prononce le discours d'ouverture du congrès du FLN à Alger, le 16 avril 1964. (STF / AFP)

Au lendemain de l'indépendance, l'Algérie manque de tout et notamment de cadres. Dès 1963, les pieds-rouges comme on va les appeller – rouge pour communiste – quittent Paris, Lyon ou Marseille pour participer à la construction de l'Algérie nouvelle.

Militants anticolonialistes

Au lendemain des accords d'Evian en mars 1962, 700 000 pieds-noirs vont quitter l'Algérie en quelques mois, privant le pays de l'essentiel de ses cadres et des ses compétences techniques. Les pieds-rouges feront le chemin inverse. Ces militants tiers-mondistes, communistes, trotskystes, anarchistes ou chrétiens viennent aider une Algérie exsangue, nouveau foyer de la révolution socialiste après Cuba, aux portes de l’Europe. Certains de ces pieds-rouges sont proches du FLN (Front de libération nationale) en métropole, porteurs de valises du réseau Jeanson. D’autres se trouvent déjà de l’autre côté de la Méditerranée, membres du Parti communiste algérien ou sympathisants du FLN.

Parmi eux, quelques noms connus, comme les journalistes Henri Alleg venu relancer le journal Alger Républicain et Hervé Bourges alors proche de Ben Bella, les futurs universitaires Elisabeth Roudinesco, Catherine Levy, Gérard Challiand, Bruno Etienne, Jeanne Favret Saada... Et des cinéastes comme Marceline Loridan-Ivens, Sarah Maldoror ou encore le photographe Elie Kagan, célèbre pour ses photographies des massacres du 17 octobre 1961, ou encore la psychiatre Anne Leduc, amie de Frantz Fanon, le médecin martiniquais qui a combattu avec le FLN jusqu’à son décès en décembre 1961.

Ils sont aussi des milliers d’anonymes, médecins et infirmières, dont manque cruellement le pays. Ils travaillent, mettent en place des hôpitaux pour aider les 2,5 millions d'Algériens déplacés par le conflit. Ces Français se retrouvent mêlés à d'autres blouses blanches venues de Cuba, de Russie, de Bulgarie.

Luttes intestines au FLN

Les besoins sont énormes. Enseignants et éducateurs implantent des écoles et des institutions pour accueillir les centaines de milliers d’orphelins qui restent après sept années de guerre. C'est toute une génération sensibilisée par les luttes anticoloniales en Algérie, au Vietnam, que l’on retrouvera sur les barricades en 1968. D’autant que contrairement à l'URSS stalinienne, l'Algérie indépendante laisse espérer un processus révolutionnaire plus respectueux des libertés avec le président Ben Bella, socialiste et autogestionnaire.

Cette "espérance socialiste" va rapidement sombrer avec le coup d'Etat de Houari Boumédiène en 1965. Les luttes intestines entre les différents courants du FLN, entre civils et militaires, entre autogestionnaires et centralisateurs, cette nouvelle "révolution trahie" qui s'annonce, menacent alors les pieds-rouges. Beaucoup d'entre eux deviennent personae non gratae.

Boumédiène, qui a écarté Ben Bella, s'éloigne de Cuba et se tourne vers l'Egypte de Nasser et vers l'URSS. Les Français de la première vague s'en vont ; ils seront remplacés par des coopérants techniques et des enseignants arabisants venus d'Egypte.

Ces pieds-rouges, une fois rentrés en France, s'engageront dans les comités Vietnam, avant de participer à Mai 68. On connaît la suite.

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