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«Bouteflika maintenu en vie artificiellement»: Bernard Bajolet choque l’Algérie

A quelques mois de l’élection présidentielle, les déclarations de l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, ont fait l’effet d’une bombe de l’autre côté de la Méditerranée. «Bouteflika maintenu en vie artificiellement», «momification du pouvoir», les propos de l’ancien numéro un français du renseignement secouent l’Algérie.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Bernard Bajolet (Thomas Samson)

L’ancien ambassadeur de France et ex-patron de la DGSE a le sens de la formule. «Le président Bouteflika, avec tout le respect que j'éprouve pour lui, est maintenu en vie artificiellement. Et rien ne changera dans cette période de transition», affirme Bernard Bajolet dans un entretien au Figaro (lien payant).

Avant de revenir à la charge deux jours plus tard avec une ironie mordante: «Je souhaite longue vie au président Bouteflika: je ne suggère donc pas qu’on le débranche. Mais cette momification du pouvoir algérien sert certains groupes qui, ainsi, se maintiennent au sommet et espèrent continuer à se maintenir et à s’enrichir.» Les bonnes feuilles de son livre Le soleil ne se lève plus à l’Est, mémoires d’Orient d’un ambassadeur peu diplomate (éditions Plon) font la joie des internautes algériens.


A quelques mois de l’élection présidentielle, ces propos ne sont pas passés inaperçus à Alger. «Après avoir soutenu le régime de Bouteflika, voilà que la France, par la voix de son ex-ambassadeur à Alger, signifie au clan, sans prendre de gants, qu'il doit déguerpir. L'entêtement de Bouteflika, de sa famille et de son entourage mafieux à briguer un 5e mandat a exposé l'Algérie à une humiliation internationale», s’indigne Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, parti d’opposition.

Devant l’ampleur prise par la polémique, l’actuel ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, a tenu à se démarquer rapidement. Bajolet «s’exprime à titre personnel, à titre privé. Il n’engage en aucun cas, je dis bien en aucun cas, le gouvernement, le président et l’administration française».

 
«Momification du pouvoir»
La succession de Bouteflika est un sujet ultrasensible. Les propos de Bernard Bajolet font l’effet d’une bombe à Alger. Ils sont tenus par un ancien ambassadeur en Algérie, qui plus est ancien patron des services secrets français de 2013 à 2017. Donc a priori, quelqu’un au fait des arcanes du pouvoir en Algérie. Le quotidien El Watan ne s’y trompe pas. Il parle de «forte charge» et de «critique acerbe». «Le propos va sans nul doute mettre dans la gêne les autorités algériennes qui pour l’instant se sont gardées de toute réaction officielle. Probablement pour ne pas "donner d’importance aux déclarations de l’ancien ambassadeur". Mais pour une partie de l’opinion publique comme pour les commentateurs de la vie politique, les propos de Bernard Bajolet ont une "portée politique au regard du contexte et de la nature des relations entre Alger et Paris."»

Le 17 septembre 2018, le président Bouteflika a reçu la chancelière allemande Angela Merkel. (AFP photo/APS)

«Président à l’insu de son plein gré»
Alger bruit de rumeurs. Abdelaziz Bouteflika, malade, peut-il se représenter pour un 5e mandat en avril 2019? Les nombreux changements effectués dans l’armée depuis juin sont analysés sous la loupe de la présidentielle. Ira, n’ira pas?

Pour ses adversaires, Abdelaziz Bouteflika est otage d’un clan, «président à l’insu de son plein gré». Le président algérien ne s’est pas adressé à son peuple depuis des années. Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, a été victime en 2013 d'un AVC qui a affaibli sa mobilité et sa faculté d'élocution. Ses activités publiques sont devenues très rares et il n'apparaît à l'écran de la télévision officielle que lorsqu'il reçoit des invités étrangers de marque. Ses fréquents voyages en Suisse pour se soigner nourrissent les doutes quant à sa capacité à gouverner.

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