Algérie : qui est Abdelkader Bensalah, nommé président par intérim ?
Malgré le rejet par la rue de ce pur produit du régime, le Parlement algérien a nommé, une semaine après la démission d'Abdelaziz Bouteflika, le président du Conseil de la nation président de la République par intérim, comme prévu par la Constitution.
Il a été nommé, mardi 9 avril, président par intérim, pour 90 jours, lors d'une réunion du Parlement algérien. Longtemps resté dans l'ombre, mais dévoué au système algérien, le président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, remplace temporairement Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'Algérie, une semaine après la démission du président au pouvoir depuis vingt ans. Au cours de ces trois mois, il aura la lourde charge d'organiser une nouvelle élection présidentielle, à laquelle il ne pourra pas participer. "Je vais travailler à concrétiser les intérêts du peuple", a promis mardi Abdelkader Bensalah devant le Parlement. Que sait-on de cet homme ?
Un pur produit du régime algérien et fidèle d'Abdelaziz Bouteflika
Député, ambassadeur, haut fonctionnaire ministériel, sénateur… Abdelkader Bensalah a multiplié les fonctions et présidé les deux chambres du Parlement, sans jamais devenir ministre. Il est président du Conseil de la Nation, chambre haute du Parlement algérien et équivalent du Sénat en France, depuis 2002, soit trois ans à peine après le début de la présidence Bouteflika. Son mandat se termine en 2021. Cette fonction lui confère le droit d'assurer l'intérim en cas de décès, démission ou "empêchement" du président de la République du fait d'une maladie grave et durable. La décision de le désigner comme président par intérim est donc conforme à ce que prévoit la Constitution algérienne.
Cet homme de taille moyenne, au visage rond et à la chevelure argentée, représentait souvent ces dernières années, en Algérie ou à l'étranger, Abdelaziz Bouteflika, depuis son AVC en 2013. C'est lui qui occupait le siège de l'Algérie lors du sommet de la Ligue arabe à Tunis le 31 mars. Il "fait partie intégrante du régime depuis plus de vingt ans et avait soutenu avec insistance, ces dernières semaines, la cinquième candidature contestée d’Abdelaziz Bouteflika. Âgé de 77 ans, il est membre de longue date du Rassemblement national démocratique (RND) de l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, principal allié du Front de libération nationale (FLN) de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika", détaille LCI.
Sans talent oratoire particulier, c'est un bon serviteur du système, décrit à l'AFP un homme politique ayant travaillé avec lui, qui attribue à sa discrétion, entretenue jusqu'à frôler l'effacement, sa longévité dans les allées du pouvoir. "Se rendre utile au moment opportun, c'est ce qu'il sait faire, lui qui ne s'exprime que rarement sur des questions liées à la gestion des affaires de l'Etat", écrivait de lui le quotidien francophone El Watan en 2015.
Une personnalité rejetée par la rue
"Dégage Bensalah !" et "Système dégage" : à Alger, des milliers d'étudiants sont descendus dans la rue mardi. Ils ont scandé ces slogans devant la Grande poste, avant d'être dispersés par les forces de l'ordre à l'aide de gaz lacrymogène. Car les Algériens continuent massivement à manifester pour réclamer le départ de l'ensemble du "système" Bouteflika, dont Abdelkader Bensalah est issu.
C'est la raison pour laquelle les partis d'opposition ont boycotté la réunion du Parlement et refusé de valider la nomination d'Abdelkader Bensalah, mardi. "Cette personnalité (...) n'est pas tolérée par le mouvement citoyen, qui exige son départ immédiat, mais aussi par l'opposition et une partie des représentants des formations politiques de la majorité des deux chambres du Parlement", écrit dans un éditorial El Moudjahid, le quotidien gouvernemental, traditionnel vecteur de messages du pouvoir.
Un journaliste et ambassadeur avant de s'engager en politique
Abdelkader Bensalah a 18 ans à peine quand il rejoint les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN), qui combat depuis 1954 l'armée coloniale française. A l'indépendance en 1962, il obtient une bourse et part étudier le droit à Damas (Syrie), avant de rentrer en Algérie où il intègre en 1967 la rédaction du quotidien national arabophone El Chaab (Le Peuple), à une époque où l'Etat détient le monopole de la presse et des médias.
Après une carrière dans la presse d'Etat, notamment comme correspondant à l'étranger, il est élu député en 1977. Réélu deux fois, il préside pendant dix ans la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée populaire nationale. Ambassadeur d'Algérie en Arabie saoudite de 1989 à 1993, il est ensuite porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Il fait l'objet d'une polémique sur sa nationalité
Certains de ses détracteurs accusent Abdelkader Bensalah d'être marocain de naissance et d'avoir été naturalisé algérien dans les années 1960, ce qui l'empêcherait d'assurer les fonctions présidentielles, même de façon intérimaire. "La condition pour qu’un responsable occupe le poste de président de la République est qu’il possède la nationalité algérienne d’origine. Et lui avait une autre nationalité jusqu’en 1964, année durant laquelle il a obtenu la nationalité algérienne. Il avait la nationalité marocaine, ce qui pose un problème", a récemment estimé Lakhdar Benkhalaf, député du Front de la justice et du développement (FJD), parti islamiste d'opposition, cité par LCI.
Né le 24 novembre 1941 dans la région de Tlemcen, près de la frontière marocaine, Abdelkader Bensalah a toujours catégoriquement démenti cette vieille rumeur. Car cette polémique sur ses origines était déjà apparue dans plusieurs médias, dont Le Figaro, en 2013, lors de la longue hospitalisation à Paris d'Abdelaziz Bouteflika après son AVC. L'hypothèse d'un intérim avait été évoquée à ce moment-là sans être concrétisée. "Si vous voulez savoir qui je suis, allez au village de Mahrez, daïra de Fellaoucène, ouvrez les registres de l’état civil de la commune et interrogez ceux que vous voulez", avait lancé Abdelkader Bensalah à El Watan en 2013. Des propos que le quotidien vient d'exhumer.
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