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Manifestations en Algérie : "L'hypothèse la plus crédible serait un report de l'élection présidentielle"

L'hypothèse d’un 5e mandat d'Abdelaziz Bouteflika "est une folie", a estimé dimanche sur franceinfo Kader Abderrahim, spécialiste du Maghreb.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des manifestants devant l'hôtel de ville d'Oran, en Algérie, le 1er mars 2019. (AFP)

"L’hypothèse qui semblerait la plus crédible serait un report de l’élection présidentielle en Algérie, cela permettrait à chacun de sortir par la grande porte", a estimé dimanche 3 mars sur franceinfo Kader Abderrahim, spécialiste du Maghreb, maître de conférences à Sciences Po Paris. Le président sortant Abdelaziz Bouteflika a jusqu'à dimanche à minuit pour déposer sa candidature à un 5e mandat, dans un contexte de vives protestations d'une partie des citoyens algériens.

franceinfo : Quelle est la situation politique en Algérie, plus d’une semaine après le début des manifestations ?

Kader Abderrahim : Je persiste à penser que cette hypothèse d’un 5e mandat est une folie, du point de vue même du régime alors même qu’il a la possibilité de s’offrir une porte de sortie sans trop perdre la face. Hier on annonçait déjà qu’il y aurait probablement une annonce officielle dans le journal de 20 heures à Alger, ça n’a pas été le cas. Il semblerait que dans les coulisses les négociations se poursuivent entre le clan présidentiel et ceux qu’on appelle en Algérie les "décideurs", que ce soit des militaires ou des hommes politiques influents, ou même des oligarques. Par conséquent, je crois que la pièce n’est pas totalement terminée.

Quelles sont les alternatives pour le clan présidentiel ?

L’opposition n’est pas parvenue à s’entendre, on voit bien qu’ils ne sont pas à la hauteur des enjeux de ce que les Algériens leur demandent, après des mobilisations de plusieurs semaines qui se chiffrent aujourd’hui en millions de personnes. L’alternative est assez limitée. Il ne faut pas se faire d’illusion : dans un premier temps s’il doit y avoir une alternative, elle viendra de l’intérieur même du régime. Pour le moment, je crois que c’est ce qui est en train de se jouer, de se négocier dans les coulisses. L’hypothèse qui semblerait la plus crédible serait un report de l’élection présidentielle, avec un Conseil constitutionnel qui déclencherait l’article 88 et qui déclarerait que le président de la République est empêché pour raison grave et pour maladie. Cela permettrait à chacun de sortir par la grande porte, de gagner du temps et de se préparer à un véritable scrutin.

Reporter l’élection, ce ne serait pas de nature à frustrer les gens qui sont descendus dans les rues ?

Cette mobilisation est importante, soudaine, imprévue, mais pour le moment on n’y voit pas de tête ou de leader qui aurait émergé. Par conséquent, c’est compliqué pour elle de peser sur le cours des événements en mettant en avant une personnalité qui pourrait incarner une alternance. L’opposition est constituée de partis anciens. Les islamistes aussi, aujourd’hui éclatés et en grande partie discrédités parce qu’ils ont été intégrés par Bouteflika dans le jeu politique algérien. Ces islamistes ont aussi été corrompus, et donc aux yeux de la population ils sont assez décrédibilisés et ne constituent plus aujourd’hui une alternative au régime en place.

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