Manifestations en Algérie : "Il n'y a pas d'interlocuteur avec qui lancer un véritable dialogue"
Au lendemain d'un 10e vendredi de manifestations en Algérie, Michaël Ayari, de l'ONG International Crisis Group, revient samedi sur franceinfo sur ce mouvement de protestation qui continue d'agiter le pays après la démission du président Abdelaziz Bouteflika.
Pour le dixième vendredi consécutif, des manifestations ont eu lieu dans toute l'Algérie contre les figures du "système" restées au pouvoir, après la démission du président Abdelaziz Bouteflika. Les contestataires restent déterminés à obtenir le départ du "clan" Bouteflika et la mise en place d'institutions de transition. Invité sur franceinfo samedi 27 avril, Michaël Ayari, de l'ONG International Crisis Group sur l'Algérie, analyse les forces et les faiblesse de ce mouvement de contestation inédit.
franceinfo : Le pouvoir s'est-il trompé en pensant avoir calmé la contestation en écartant Abdelaziz Bouteflika de l'élection ?
Michaël Ayari : Pour les manifestants, c'était un début. Le grand problème, c'est qu'il y a un désir palpable dans la population de rupture avec le passé. Mais qu'est-ce que veut dire rupture, d'autant plus qu'il n'y a pas de leadership dans ces manifestations. Ça fait à la fois la force et la faiblesse du mouvement. La force dans le sens où il y a besoin de faire table rase du passé, de la clique, du clan, de ce qu'ils appellent "le système", le régime. Mais en même temps, il n'y a pas d'interlocuteur avec qui lancer un véritable dialogue.
Le régime compte-t-il sur un essoufflement de la contestation ?
Depuis deux semaines environ, il y a des signes de répression, mais au lieu d'essouffler le mouvement, les manifestants n'en sont que plus déterminés. C'est possible qu'il y ait un essoufflement avec le mois de ramadan qui va arriver, mais il y a une énergie inédite qui se dégage, c'est un mouvement de contestation que le régime n'a pas connu depuis son indépendance.
L'élection pourra-t-elle avoir lieu le 4 juillet comme prévu ?
Le problème, c'est qu'hormis les partis d'opposition, qui sont en majorité considérés par les protestataires comme faisant partie du système, peu de personnes veulent ces élections tout de suite. Elles veulent des conditions préalables pour qu'il y ait des élections compétitives, concurrentielles, transparentes. Le 4 juillet est une date beaucoup trop rapprochée. Il faudrait des signaux clairs, comme en Tunisie en 2011. Le pouvoir doit montrer qu'il est prêt à un dialogue ouvert sur les conditions de la transition, il faudrait une feuille de route. Il ne faut pas qu'il y ait de chasse aux sorcières (...) A mon avis, les élections auront lieu mais d'abord il faut une véritable volonté d'ouverture politique, un nouveau cadre institutionnel, ça me paraît prématuré. Si le mouvement s'essouffle, il y en aura, s'il ne s'essouffle pas, il n'y en aura pas.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.