Cet article date de plus de neuf ans.

Souad Massi convoque les poètes arabes à La Cigale

Il faut remonter à Fayrouz pour trouver une chanteuse arabophone qui a ainsi su créer son propre univers. L'ancienne hard-rockeuse ne s'est jamais assagie, elle continue d'explorer des contrées oubliées, ignorées. Elle est en concert ce mercredi 8 avril 2015 à Paris.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"El Mutakallimum", un album coup de coeur  (Miguel Medina/AFP)

La brune longiligne aux yeux rieurs prend tous les risques à chaque album, au risque de bousculer ses fans. Elle a tout pour elle, le verbe ciselé, l'audace et cette voix qui vous invite à la complicité. «La Joan Baez arabe» pour certains, «Tracy Chapman d'Afrique », Souad Massi a dépassé depuis longtemps les étiquettes et les clichés. Esthète, sobre, cultivée, l'ancienne architecte urbaine tend vers l'universalité. Son nouvel album «El Mutakallimun» (Les Orateurs) donne à voir une autre facette de la culture arabe.
 
Votre album sonne comme une réponse au long hiver né du Printemps d'arabe. En conviant tous ses poètes, votre objectif est de faire découvrir l'autre monde arabe ?
 
L'idée de chanter de la poésie arabe me hantait depuis un moment, j'avais envie de mettre en musique certains grands classiques de la poésie arabe et de faire découvrir des joyaux de cette culture.  Je suis agacée par les clichés et stérotypes. Le monde arabe est très vaste et je suis  triste qu'on l'associe souvent au terrorisme. J'ai vécu la guerre civile en Algérie dans ma chair, j'ai souffert du terrorisme comme beaucoup de concitoyens. C'est injuste de nous associer à cette image, injuste pour tous les journalistes qui sont  derrière des barreaux. Je voulais parler de la face cachée du monde arabe.
 
Vous redonnez vie au poète tunisien Abdou El Kacem El Chebbi (décédé en 1934), devenu l'idole de la jeunesse arabe. Deux de ses vers ont été ajoutés à l'hymne national tunisien. «Lorsque le peuple un jour veut la vie/ Le destin se doit de répondre/Aux ténèbres de se dissiper/ Aux chaînes de se briser». Ennahdha voulait les supprimer car «non conformes à l'islam». La poésie est-elle aussi une forme de résistance ?
 
Je ne vois pas dans ces vers ce qui peux être non conforme a l'islam.  Les poètes tout comme les journalistes et les artistes peuvent véhiculer des idées et être un moteur de réflexion, d'analyse et de réaction.
 
Vous n'êtes pas très prolifique, vous avez peu d'albums...Est-ce un choix des majors ou une volonté de vous faire discrète ?
 
Cet album est un coup de coeur et de folie. Il a demandé beaucoup de recherche et de travail. Je voulais prendre mon temps. Je n’ai plus de maison de disque, j'ai produit et réalisé mon album avec mes propres moyens. Je pense qu'on a besoin d'un certain temps pour écrire, composer la musique et surtout attendre que l’inspiration soit au rendez vous ....


 
Votre public berbérophone risque de vous en vouloir pour ne pas avoir chanté un morceau en kabyle dans cet album...
 
Je les comprends et entends bien ce qu'ils disent.  J'ai, comme la plupart des Algérois, grandi a Alger (Bologhine). Je ne parle pas bien le kabyle mais j’ai envie de le chanter! Pour cela, je dois travailler avec des personnes qui maîtrisent cette langue. Je dois aussi faire des recherches, composer...
 
Souad Massi en concert mercredi 8 avril à la Cigale, à Paris

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.