Pourquoi les islamistes somaliens s'en prennent au Kenya
Alors que l'attaque terroriste touche à sa fin à Nairobi, francetv info vous dit qui sont les shebabs qui ont revendiqué l'action et pourquoi ils s'attaquent au Kenya.
L'horreur dure depuis plus de 48 heures. Une quinzaine de terroristes tiennent en respect, depuis samedi 21 septembre, les forces armées kényanes dans le labyrinthe du centre commercial Westgate de Nairobi (Kenya). L'attaque revendiquée par les islamistes somaliens shebabs a fait au moins 62 morts et autant de disparus, selon la Croix-Rouge kényane.
Pourquoi ce commando islamiste s'en est-il pris à la capitale kényane ? Quels sont les enjeux derrière cette attaque terroriste ? Eléments de réponses.
Qui sont les shebabs somaliens ?
Shebab signifie "jeune" en arabe, en référence à leur recrutement auprès de la jeunesse, indique Libération.fr. Les shebabs, des combattants jihadistes, sont principalement basés dans le sud de la Somalie, pays frontalier du Kenya. Ils compteraient quelque 5 000 hommes.
"Ils appartiennent à une insurrection islamiste qui a commencé il y a plus de vingt ans. Ils sont apparus alors que l’Etat somalien était en pleine faillite, et ils n'ont pas eu grand mal à conquérir la quasi totalité du pays. Pendant deux ans, entre 2005 et 2007, ils ont même mis en œuvre les principes de la charia islamique en Somalie", explique l’islamologue Mathieu Guidère à francetv info. Ils ont notamment occupé Mogadiscio, la capitale, ainsi que le sud de la Somalie avant d'en être expulsés après une intervention militaire. Depuis 2012, les shebabs subissent de sérieux revers militaires.
Le groupe islamiste prête allégeance à Al-Qaïda en 2012. Ces derniers mois, en Somalie, les shebabs sont responsables de plusieurs attaques meurtrières, notamment contre un tribunal ainsi qu'un important bâtiment de l'ONU. "Ce qui était au départ une insurrection islamiste est devenu une entreprise terroriste à grande échelle", souligne Mathieu Guidère. Les shebabs ont aussi revendiqué l'enlèvement et l'exécution de l'otage français Denis Allex, en janvier 2013.
Pourquoi s'attaquent-ils au Kenya ?
L'attaque contre le centre commercial de Nairobi est une vengeance. Quelques heures après le début de leur action samedi, les shebabs ont posté des messages sur Twitter avant que leur compte ne soit suspendu. "Ce que les Kényans voient à Westgate, c'est de la justice punitive pour les crimes commis par leurs soldats" en Somalie "contre les musulmans", peut-on y lire. "Le message que nous envoyons au gouvernement et à la population kényane est et sera toujours le même : retirez toutes vos forces de notre pays."
Des troupes kényanes sont en effet entrées fin 2011 en Somalie. Elles appuient l'armée somalienne dans le cadre d'une force africaine pour reprendre Mogadiscio et le sud du pays.
Ce n'est pas la première fois que le Kenya est la cible d'attaques, on en recense dix-sept. Le pays est "régulièrement touché par des attentats terroristes, et principalement revendiqués par les shebabs somaliens", souligne Le Monde. En 2012, Nairobi et Mombasa, les deux principales villes du Kenya, sont touchées par des attaques (grenade lancée dans un bus, assassinat de policiers kényans...). Mais, l'attaque du centre commercial surprend par son ampleur et son organisation implacable. Samedi, sur leur compte Twitter temporaire, les shebabs écrivaient avoir "prévenu le Kenya à de nombreuses reprises".
Le Kenya avait déjà été touché par des attentats terroristes en 1998. Le 7 août de cette année, des voitures piégées explosent devant les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es-Salaam, en Tanzanie, faisant plus de 200 morts et plusieurs centaines de blessés. En 2002, un attentat-suicide à la voiture piégée touche un hôtel de Mombasa, tenu par un propriétaire israélien (le Westgate, attaqué samedi, est réputé être en partie la propriété d'intérêts israéliens), tuant trois Israéliens et dix Kényans, rappelle Le Monde. Ces attaques sont revendiquées par Al-Qaïda.
Pourquoi un tel mode opératoire ?
Le choix de frapper la capitale kényane et le mode opératoire ne relèvent pas du hasard, comme l'explique Pierre Cherruau, journaliste spécialiste des questions africaines, interrogé par France Inter. "Nairobi, c'est la ville la plus connectée d'Afrique de l'Est et c'est aussi la ville où se trouvent tous les grands médias occidentaux et notamment les médias anglo-saxons. (...) Frapper Nairobi, c'est le meilleur moyen d'avoir un attentat qui va être médiatisé. C'est donc une formidable campagne médiatique pour les shebabs qui étaient sur le recul en Somalie." Et le spécialiste souligne : "Ils ont perdu le contrôle sur l'essentiel du territoire, et là, avec quelques hommes, ils ont faire parler d'eux dans le monde entier."
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