Burundi : face à la pression de la rue, le pouvoir ordonne la manière forte
Rien ne le fait reculer. Ni les morts, tombés sous les balles de sa police dans les rues de Bujumbura. Ni les représailles contre les miliciens supposés faire partie de ses troupes clandestines. Et encore moins les dizaines de milliers de ses compatriotes qui se sont réfugiés dans les pays voisins pour fuir les violences.
Face aux pressions de la rue, le président Pierre Nkurunziza ne faiblit pas. Il exige «un arrêt immédiat» de ce qu’il considère comme une «insurrection». Il est désormais en campagne électorale. Policiers et militaires ont reçu l’ordre de démanteler, sous 48h, les nombreuses barricades érigées par les manifestants dans plusieurs quartiers contestataires.
«Déclaration de guerre»
Le collectif contre un troisième mandat, qui regroupe de nombreuses associations de la société civile et les deux centrales syndicales du pays, a qualifié cette injonction de «déclaration de guerre au peuple burundais». «Jusqu’ici, aucun président n’a gagné contre son peuple», a averti Pacifique Nininahazwe, un des dirigeants du collectif, passé en clandestinité. C’est aussi le message qu’ont répété le 10 mai 2015 près de 300 femmes burundaises qui ont réussi à manifester dans le centre de Bujumbura contre le 3e mandat du président Nkurunziza. «Nous sommes ici pour soutenir nos frères qui manifestent contre les violations des lois fondamentales de ce pays», scandaient les manifestantes. La police n’a pas osé les violenter. Elles se sont dispersées sans incident.
Les accords d’Arusha mis à mal
Ces accords qui ont mis fin à une longue guerre civile (1993-2006) organisent un savant équilibre de partage du pouvoir entre les Hutus, ethnie majoritaire à 85%, et les Tutsis, l’ethnie minoritaire qui représente 14% de la population.
Le gouvernement de Pierre Nkurunziza, ex-chef rebelle hutu, est accusé de saper les fondements de ces accords, en s’octroyant une candidature pour un troisième mandat que la société civile et l’opposition estiment inconstitutionnelle. La loi fondamentale du Burundi limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Mais le camp du président Nkurunziza assure que son premier mandat (2005-2010) en tant que premier président post-transition élu par le parlement et non au suffrage direct, n’entre pas en ligne de compte dans la limitation.
Si la crise actuelle ne s’articule pas principalement autour d’une opposition ethnique, Hutus contre Tutsis, les observateurs craignent que cette question ethnique ne soit instrumentalisée à l’approche des élections par le camp présidentiel.
De nombreuses mises en garde sans aucun effet
Pour l’Union africaine, l’environnement actuel n’est «pas propice» à la tenue d’élections au Burundi. La présidente de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, ne compte pas envoyer des observateurs à ce scrutin au moment ou de nombreux Burundais se réfugient dans les pays voisins.
Quant à l’Union européenne, elle a dénoncé «l’intimidation et la violence» au Burundi. Bruxelles demande aux autorités du pays de «garantir l’exercice pacifique des droits civils et politiques en vue d’une solution respectueuse des accords d’Arusha».
C’est aussi un message de fermeté que la Cour pénale internationale de la Haye a adressé aux acteurs politiques burundais : «Je suis préoccupée par les tensions croissantes dans le pays et l’idée qu’une escalade de la violence serait à craindre. A l’instar de ce qui s’est passé au Kenya ou en Côte d’Ivoire, les élections, lorsque les esprits s’égarent, peuvent donner lieu à des crimes à grande échelle relevant de la compétence de la CPI. En pareil cas, mon bureau n’hésitera pas à ouvrir des enquêtes», a menacé Fatou Bensouda, la procureure de la cour.
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