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Ligne Congo-Océan : 100 ans après, les morts toujours présents

Diverses associations noires de France ont assigné, le 25 février 2014, l'Etat et le groupe Spie Batignolles pour «crime contre l'humanité». Elles les accusent d’avoir causé la mort de 17.000 travailleurs africains recrutés de force pour construire la ligne ferroviaire Congo-Océan, entre 1921 et 1934. Treize années d'un chantier qui fut, à l'époque, une fierté de la France coloniale.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le chantier de la ligne Congo-Océan en 1923.  (AFP - Photo12)

On croyait cette page sombre de l'histoire coloniale définitivement tournée. Mais le Cran, organisation qui milite notamment pour obtenir des réparations pour les descendants d'esclaves, a engagé une action au civil contre l'Etat et les trois entités issues de la société des Batignolles: Spie, Spie-Batignolles et Clayax Acquisitions.

C’est le 13 juillet 1914 que l’administration coloniale française donne son feu vert à la construction de la ligne de chemin de fer Congo-Océan (CFCO) qui relie la capitale de l’Afrique équatoriale française Brazzaville au port de Pointe-Noire, situé sur la côte Atlantique. Objectif: envoyer vers la métropole ces matières premières dont regorge le cœur du continent: le coton du Tchad et de Centrafrique, le manganèse et le bois du Gabon, ou encore les oléagineux et le cuivre du Congo.

La Société de construction des Batignolles est chargée des travaux et le premier coup de pioche est donné le 6 février 1921. Mais pour pallier l’insuffisance de la main d’œuvre locale, l'entreprise fait venir de force des populations de toute l’Afrique centrale, notamment du Cameroun et du nord du Tchad. Ces «indigènes» affrontent alors un climat tropical qu’ils «ne connaissaient pas» et meurent notamment «de dépression nerveuse, de pneumonie, de tuberculose, de lèpre, de paludisme, ou encore de dysenterie», comme l'indiquait, en 1992, l'émission Geopolis à propos de cette «tragédie».


Selon le site Médiapart, les pertes humaines commençeront dès l'acheminement des Noirs, qui parcourront parfois 2000 km, dans des «conditions matérielles et sanitaires désastreuses».

17.000 indigènes sont morts
Pour le président du Cran, Louis-George Tin, «plus de 17.000 personnes ont trouvé la mort» sur ce gigantesque chantier réparti sur les 512 km de voies ferrées qui relient Brazzaville au port de Pointe-Noire. Ces «indigènes sont morts en raison des conditions de transport et de travail», précise pour sa part l'historien Olivier Le Cour Grandmaison qui décrit des «civils embarqués de force pour alimenter les chantiers». 

«On apprend dans les livres que l'esclavage a été aboli en France en 1848 mais, selon nous, il s'est poursuivi jusqu'à l'adoption d'une loi, en 1946, portée par Félix Houphouët-Boigny (alors député) qui a interdit le travail forcé», a encore expliqué M.Tin. Selon lui, «la mémoire des travaux forcés a été totalement occultée», mais des millions de personnes ont été enrôlées de force pour construire des ports, des chemins de fer et des grands bâtiments dans les colonies. 

«Ce n’était pas des personnes condamnées aux travaux forcés, précise M.Grandmaison. C’était une disposition applicable à tous. L’Etat colonialiste avait la charge de fournir de la main d’œuvre aux entreprises publiques, quitte à réquisitionner de force. C’est ce qu’il s’est passé!», écrit-il sur son blog.

Plusieurs plaintes du Cran
«J'ai vu construire des chemins de fer, on rencontrait du matériel sur les chantiers. Ici que du nègre. Le nègre remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l'explosif aussi?», écrivait en 1929 le journaliste Albert Londres dans Terre d'Ebène, un reportage plus qu'un récit de voyage, en forme de réquisitoire contre la violence de la colonisation.

Depuis un an et demi, le Cran multiplie les plaintes contre l'Etat français pour «crime contre l'humanité» afin d'obtenir des réparations dans ce type d'affaires. En mai 2013, l'organisation a ainsi réclamé 10 millions d'euros à la Caisse des dépôts et Consignation. Le Cran s'appuie sur la loi Taubira de mai 2001, qui reconnaît l'esclavage comme «crime contre l'humanité» le rendant imprescriptible.

Les procédures judiciaires en cours aboutiront-elles? En mai 2013, le président de la République, François Hollande, a exclu toute réparation matérielle de l'esclavage tout en prônant «la paix des mémoires réconciliées».

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