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Côte d'Ivoire : à quoi sert la rencontre entre le président Ouattara et le chef de l'opposition Henri Konan Bédié ?

Les deux responsables politiques ont entamé un dialogue qui "a bien démarré", estime le chef de l'Etat ivoirien, élu lors d'un scrutin boycotté par les opposants. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
L'opposant ivoirien Henri Konan Bédié (à gauche) et le président Alassane Ouattara discutent le 11 novembre 2020 après une rencontre à Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire.  (ISSOUF SANOGO / AFP)

Le président ivoirien Alassane Ouattara et le chef du principal parti d'opposition en Côte d'Ivoire, Henri Konan Bédié, se sont rencontrés le 11 novembre 2020 pour briser "la glace" à Abidjan, la capitale économique ivoirienne, suite à l'appel à un dialogue "franc et sincère" lancé par le chef de l'Etat. Sa candidature à un troisième mandat présidentiel jugé anticonstitutionnel par l'opposition, puis son élection au premier tour le 31 octobre, sont à l'origine de tensions politiques en Côte d'Ivoire qui ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés.

De nombeux morts et des milliers de déplacés

Selon l'AFP, citant le ministre ivoirien de la Communication et porte-parole du gouvernement Sidi Touré, "le bilan global des troubles politiques qui ont souvent dégénéré en affrontements intercommunautaires, surtout dans le sud-est de la Côte d'Ivoire, s'établit à 85 morts et 484 blessés depuis le 10 août (après l'annonce de la candidature d'Alassane Ouattara)". Soit "34 morts avant le scrutin, 20 le jour du vote et 31 après". En outre, "225 personnes ont été interpellées, 167 inculpées et 45 écrouées".

Quant au Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), il a dénombré "sur la période allant du 31 octobre au 10 novembre 2020 (...) 55 morts, 282 blessés, 179 cas de destructions de biens publics et privés, des milliers de déplacés internes et réfugiés, des actes d'incivisme commis par des groupes de personnes".

Ainsi, "plus de 8 000 Ivoiriens fuyant les violences entourant la présidentielle (...) ont cherché refuge dans les pays voisins dont au moins 7 500 au Liberia", a indiqué le 10 novembre le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Le président ivoirien Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, le leader du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et ancien chef d'Etat ivoirien, se sont engagés à ouvrir un cycle de pourparlers afin "que le pays soit ce qu'il était avant" la crise et les violences.   

"Rétablir la confiance"

Leur entrevue du 11 novembre était ainsi "une première rencontre (...) pour briser la glace (et) rétablir la confiance", a résumé le président Ouattara. "Nous avons pu briser le mur de glace, de silence", a précisé Henri Konan Bédié. Le président ivoirien estime déjà que le dialogue "a bien démarré" et que la "confiance est rétablie". Une sortie qui laisse perplexe dans le contexte ivoirien et qu'illustre un communiqué du PDCI daté du 11 novembre insistant sur le fait que "la rencontre ce de jour n’a été qu’une prise de contact pour briser le mur de méfiance entre ces deux hautes personnalités". 

D'abord parce que depuis une trentaine d'années, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié sont tour à tour rivaux, alliés puis rivaux. L'alliance politique entre les deux hommes avait permis à l'actuel président ivoirien d'accéder à la magistrature suprême en 2011 au terme d'une crise post-électorale qui avait fait plus de 3 000 morts. En 2018, le leader du PDCI avait finalement pris ses distances à la suite d'un désaccord sur le candidat de leur alliance politique à la présidentielle d'octobre 2020.

Ensuite, Henri Konan Bédié fait figure de porte-parole d'une opposition ivoirienne qui a choisi de présenter un front uni contre le candidat, puis le président Alassane Ouattara. "Dans les jours à venir, après la satisfaction des conditions préalables soulevées par le PDCI-RDA, des discussions que le PDCI-RDA espère sincères, franches et inclusives vont s’ouvrir et porter sur toutes les questions en vue d’un apaisement du climat social en Côte d’Ivoire", indique un communiqué du parti.

Première d'une série de rencontres

"A sa demande, j’ai accepté (...) de rencontrer Alassane Ouattara au nom de toutes les plateformes politiques de l'opposition (...), a rappelé Henri Konan Bédié après son entrevue avec le chef de l'Etat ivoirien. Avant cette nouvelle rencontre, il semble indispensable, pour les plateformes politiques de l'opposition, de faire le point sur leurs attentes et leur vision de l’avenir." Une rencontre est prévue le 13 novembre 2020.

Dans son dernier communiqué, le PDCI rappelle que "les problèmes politiques soulevés par l’opposition demeurent, à savoir le troisième mandat inconstitutionnel" du président Ouattara, "la question de l’indépendance de la CEI (Commission éléctorale indépendante) et du Conseil Constitutionnel (qui a validé les résultats de la présidentielle, NDLR) et la fiabilité de la liste électorale".

"A ces questions s’ajoutent aujourd’hui celles des poursuites judiciaires contre les leaders et militants de l’opposition injustement et illégalement incarcérés, le blocus des résidences des premiers responsables de l’opposition, les violences dont sont victimes les militants de l’opposition, les destructions de biens et les graves massacres des populations civiles", peut-on encore lire. 

Parmi les responsables politiques arrêtés, le porte-parole de l'opposition et ancien Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, leader de l'une des deux ailes du Front populaire ivoirien, le parti créé par l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo. Dans un message diffusé récemment sur les réseaux sociaux, où il lui est demandé de ne pas révéler l'endroit où il se trouve, Pascal Affi N'Guessan a dû rassurer sa famille et ses partisans après que des rumeurs annonçant sa mort ont circulé. 

Répondre à la pression internationale 

La communauté internationale est de nouveau montée au créneau après l'annonce des résultats pour demander à la classe politique ivoirienne de jouer la carte de l'apaisement. "J'exhorte les responsables politiques de toutes les parties à travailler ensemble pour apaiser les tensions par le dialogue, et non par des mesures de sécurité brutales et des arrestations", a plaidé le 9 novembre Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme. 

A Paris, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait souligné le 10 novembre que l'appel au dialogue du président Ouattara allait "dans le bon sens". "Nous souhaitons par contre, très clairement, que des actes contribuent rapidement à l'apaisement, avait-il ajouté. Des mesures concrètes et rapides doivent être prises pour tourner la page de la violence et de la division."

L'opposition ivoirienne réclame depuis des semaines une transition politique.

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