Cet article date de plus de huit ans.

La Côte d’Ivoire se déchire sur un nouveau projet constitutionnel

La polémique bat son plein à Abidjan depuis que le président ivoirien Alassane Ouattara a mis en place un groupe d’experts chargé d’élaborer la nouvelle Constitution ivoirienne qui sera soumise à référendum en octobre 2016. Ses opposants l’accusent de dérive monarchique. Ils lui prêtent l’intention de préparer un troisième mandat auquel il n’a pas droit.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le président Alassane Ouattara entouré des membres du Conseil constitutionnel après sa prestation de serment, le 3 novembre 2015 à Abidjan. (Photo AFP/Sia Kambou)

L’une des principales innovations du nouveau texte concerne la création d’un poste de vice-président élu au suffrage universel direct, en même temps que le président de la République.
 
«En cas de vacances du pouvoir, le vice-président garantit la continuité de l’Etat d’une part et le respect du calendrier électoral d’autre part», a expliqué Alassane Ouattara dans un discours à la nation. Pour l’opposition ivoirienne, il s’agit, ni plus ni moins, de préparer le terrain au futur successeur du Chef de l’Etat qu’il choisira le moment venu.
 
«La Côte d’Ivoire danse sur un volcan»
Le Front populaire ivoirien, le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, a été le premier à réagir en appelant à des manifestations de rue dès la fin du mois de septembre pour faire échec à ce projet du président Ouattara.
 
«C’est un autre mandat présidentiel qu’il veut s’octroyer. Parce que, qui dit nouvelle Constitution, dit troisième République. Soyons donc vigilants pour s’opposer à cette mascarade», a aussitôt dénoncé Abou Drahamane Sangaré, fidèle ami et compagnon de lutte de Laurent Gbagbo.
 
Pour lui, «la Côte d’Ivoire n’est plus sur des braises, elle danse sur un volcan». Les dirigeants du Front populaire ivoirien, toutes tendances confondues, prêtent au président Ouattara l’intention de vouloir opérer un passage en force.
 
«Nous considérons que le projet du chef de l’Etat est mal engagé, qu’il est porteur de graves divisions et qu’il contribuera à créer, dans les semaines et mois à venir, de fortes tensions dans ce pays. Nous ne souhaitons pas que cette Constitution, au lieu d’être une Constitution nationale, soit en fait le testament du chef de l’Etat», a martelé Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien.
 
L’opposition propose la convocation d’une assemblée constituante
L’opposition ivoirienne a donc exclu toute rencontre avec le comité d’experts mis en place par le chef de l’Etat. Elle demande la convocation d’une assemblée constituante et critique d’autres dispositions annoncées par Alassane Ouattara comme la création d’un Sénat, d’une Chambre des rois dans une période de vaches maigres pour le budget de l’Etat.
 
Le Comité d’experts en droit constitutionnel mis en place par le président Ouattara s’est mis au travail avec pour mission d’aider le peuple ivoirien à sceller «un nouveau contrat social». Le directeur général de Fraternité Matin, Venance Konan, est parmi les partisans de l’initiative présidentielle. Il soutient que la Constitution du 1er août 2000 est à l’origine des crises en Côte d’Ivoire, en ce sens qu’elle a divisé les Ivoiriens en les catégorisant.
 
Le président du FPI et chef de l'opposition ivoirienne, Affi N'guessan, le 21 mai 2015 à Abidjan. C'est le plus farouche opposant à la réforme constitutionnelle initiée par le président Alassane Ouattara. (Photo AFP/)

L'article 35, assimilé à l'ivoirité
La réforme constitutionnelle qui fait polémique est venue remettre à jour la question de «l’ivoirité». Le débat s’annonce houleux sur les conditions d’éligibilité à la présidence de la République, notamment autour de l’article 35 qui exclut tout candidat n’étant pas Ivoirien d’origine de père et de mère.
 
Cet article avait été à l’origine de la mise à l’écart d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle d’octobre 2000. Il est considéré  comme l’élément déclencheur des différentes crises qui ont secoué le pays.
 
«Si nous voulons tourner définitivement la page de notre passé, il nous faut en tirer des leçons, il nous faut écrire de nouvelles pages de notre histoire», explique Alassane Ouattara.
 
Quant à la création d’un poste de vice-président élu au suffrage universel présentée par l’opposition comme une «dérive monarchique d’Alassane Ouattara en vue de choisir son successeur», le pouvoir estime qu’il s’agit tout simplement d’un procès d’intention fait au chef de l’Etat.
 
«Avoir un vice-président, ce n’est pas mauvais. Ça se passe aux Etats-Unis, pourquoi pas en Côte d’Ivoire?, interroge Joel N’guessan, porte parole du RDR (parti au pouvoir). Et d’ajouter: «Au Ghana, ils ont un vice-président. Au Nigeria, ils ont un vice-président. Alors vraiment, je trouve que les arguments aujourd’hui avancés par l’opposition sont puérils. C’est de l’opposition pour faire de l’opposition.»
 
Les détracteurs d’Alassane Ouattara lui prêtent l’intention de vouloir supprimer la limite d’âge d’éligibilité pour se maintenir au pouvoir. Des accusations balayées par son entourage.
 
«Quand un président est travailleur, après dix ans, il n’a plus rien à prouver. Le président a dit ne pas être intéressé par un troisième mandat et il insiste toujours là-dessus», assure Cissé Bacongo, ancien ministre et membre du comité d’experts chargé de l’élaboration de la nouvelle Constitution.
 
La polémique n’est pas près de s’estomper. Le chef de l’opposition ivoirienne, Pascal Affi N’guessan exige toujours que cette réforme constitutionnelle fasse l’objet d’une plus vaste consultation civile et politique, à travers une commission nationale qui inclurait toutes les forces vives du pays. 
 
«Si jusqu’à fin septembre, il n’y a pas de solution à nos préoccupations, nous descendrons dans la rue jusqu’à ce que Ouattara recule», a-t-il prévenu. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.