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Akli Tadjer: Vivre la culture française et algérienne sans devenir schizophrène

Auteur de nombreux livres, dont certains portés à l’écran, Akli Tadjer est un écrivain inclassable. Avec un style incisif, dépouillé de toute lourdeur, il dit l’intime avec des mots simples. De la légèreté pour narrer la complexité, regarder les abîmes. Dans son dernier livre, «La vérité attendra l’aurore», aux éditions Lattès, il revient sur sa relation avec l’Algérie.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Akli Tadjer: «J'ai décidé de revenir à un thème qui m’est cher, ma relation à l’Algérie.» (Sarah Briand)

Dans votre dernier roman «La vérité attendra l’aurore», vous revenez encore sur un personnage/lieu, toujours présent dans vos livres: la Kabylie, l’Algérie. Pourtant, vous êtes né et avez été élevé en France…
Après avoir écrit deux romans, Les Thermes du Paradis et La Reine du Tango, qui n’avaient rien à voir avec l’Algérie, j’ai décidé de revenir à un thème qui m’est cher, ma relation à l’Algérie. Dans La vérité attendra l’aurore, je me suis replongé dans les années de terreur. Pourquoi? Parce que lorsqu’il y a eu les attentats à Paris, ça a fait écho avec ce que j’ai vécu, à l’époque, en Kabylie. J’accompagnais mon père qui voulait finir ses vieux jours dans sa maison, dans son village. Alors, pour bâtir ce roman, j’ai fait appel à Mohamed, qui est mon double littéraire, pour raconter ma façon de voir ce monde de folie au sens propre comme au figuré.
 
«Le porteur de cartable», «Il était une fois... peut-être pas» et maintenant «La vérité attendra l’aurore», du petit Omar de dix ans à Mohamed un rien désabusé, revenu de tout, vos personnages évoluent selon votre cheminement personnel?
A travers mes romans ayant trait à l’Algérie, je raconte des étapes de ma vie. Avec Le porteur de cartable, il était question de la fin de la guerre d’Algérie en1962. Avec Il était une fois… peut être pas, j’ai écrit les relations brutales souvent, amoureuses parfois, mais toujours passionnelles avec la France. Avec La vérité attendra l’aurore, idem. Je porte un regard sans concession sur l’Algérie des années barbares et celle d’aujourd’hui dans un style qui m’est propre. Je vais de suite à l’essentiel. Point de descriptions interminables de paysages, il y a des cartes postales pour ça.

Vous avez été l’un des premiers écrivains français d’origine algérienne à vouloir (et à réussir) à être édité des deux côtés de la Méditerranée. Ensuite, vous avez créé un prix littéraire à Alger: «Escales littéraires». Pourquoi toute cette énergie, ce désir?
Permettez-moi, de corriger bien que beaucoup de journalistes me définissent ainsi, je ne suis pas un écrivain français d’origine algérienne. Je suis un écrivain franco-algérien. C’est aussi un des thèmes que j’aborde dans La vérité attendra l’aurore. La double culture. Comment vivre avec la culture française et algérienne sans devenir schizophrène? Quand j’étais jeune j’avais du mal à cohabiter avec ces deux mondes. Je pensais même que c’était un handicap car il n’y a pas plus différent que ces deux cultures. Avec le temps, je sais, quand on en à l’envie, que plus de culture c’est toujours une richesse. Pour en revenir à la publication des mes romans en Algérie, c’est pour moi un grand plaisir et une fierté de savoir que je suis étudié dans la fac et les lycées de ce pays. Ne reste plus qu’à être à la hauteur de mes lecteurs. S’agissant de mon investissement personnel en Algérie, j’ai monté, il y a quatre ans, un prix littéraire, je fais cela avec amour et passion, car je crois en la force des mots pour nous guérir de nos maux.
 
Le cinéma et la télévision vous font les yeux doux dès la parution de votre premier roman «Les A.N.I. (Arabes non identifiés) du Tassili» (Seuil, 1984). Nombreux sont vos livres portés à l’écran. Quelle est votre recette?
En effet, j’ai eu trois de mes romans adaptés pour la télévision. La recette? Elle est simple. Quand j’écris, il faut que je voie des images, des rires, des larmes et des cascades de dialogues défiler dans ma tête. Un film, quoi. Si je ne vois rien venir, je n’écris pas.
 
Pour finir, êtes-vous un A.N.I. (Arabe non identifié)? La situation des ANI a-t-elle changé? 
J’ai écrit, il y a bien longtemps, en 1984, un roman Les Arabes Non Identifiés, A.N.I. où j’imaginais la France des années 2000. Beaucoup de choses se sont avérées, d’autres étaient inimaginables à mon époque. Impossible d’imaginer que la France serait communautarisée à ce point, qu’on parlerait du matin au soir de l’Islam, de halal, de kamis, de voile et d’intégristes avec des barbes de Père Noël. Quand je pense qu’on riait de Malraux quand il prophétisait que le XXIe serait religieux ou pas.

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