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Afrique : après la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine entrave la relance économique du continent

Le forum Afrique de l'OCDE planche sur l'emploi des jeunes alors que la crise du Covid a fait perdre vingt millions d'emplois. A cette occasion, nous avons rencontré Christian Yoka, directeur du département Afrique de l’Agence française de développement. 

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Travailleurs d'une usine de filature textile de l'entreprise malienne Comatex, à Ségou, le 12 décembre 2018. (MICHELE CATTANI / AFP)

Trouver un emploi aux trente millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail est un enjeu majeur, au cœur de la réflexion du 21e Forum économique de l'OCDE sur l'Afrique qui s'est déroulé le 10 juin à Paris. A l'occasion de ce Forum, nous avons interviewé Christian Yoka, Directeur du département Afrique de l'Agence française de développement (AFD) autour de l'enjeu que représentent la jeunesse et l’emploi dans le développement du continent.

Christian Yoka, Directeur du département Afrique de l'Agence française de développement (AFD). (YUEFENG SUN)


Franceinfo Afrique : alors que le continent commençait à peine à se remettre de la crise du Covid, il est à nouveau fragilisé par les conséquences économiques de la guerre en Ukraine...

Christian Yoka : l'Afrique a connu ces vingt dernières années un taux de croissance plutôt enviable, de l’ordre de 5%, mais la pandémie est venue stopper cet élan, avec pour conséquence la disparition de 17 millions d’emplois pour la seule année 2020. Alors qu’on commençait à entrevoir une éclaircie économique, la guerre en Ukraine est venue relancer inquiétudes et incertitudes : fortes augmentations des prix des produits alimentaires et de l’énergie, des taux d’intérêts qui flambent et qui aggravent l’endettement de ces pays, aux dépens des investissements nécessaires à la reprise de la croissance. Le redémarrage de l’activité va demander un accompagnement puissant de la communauté internationale. Déjà en 2021, le FMI avait dû approuver une allocation générale de droits de tirages spéciaux (DTS) équivalente à 650 milliards de dollars, en vue d’accroître les liquidités dans le cadre de la pandémie. De nouveaux efforts seront sans doute nécessaires.

Comment trouver des emplois aux millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail ?

La moitié des africains ont moins de 25 ans et plus de trente millions arrivent chaque année sur le marché du travail. Pour qu’il y ait création massive d’emplois, il faut agir sur plusieurs leviers : de la croissance économique, un secteur privé dynamique, un bon environnement des affaires propice au développement de l’entreprenariat mais aussi une éducation et une formation professionnelle de qualité. Il faut en outre permettre le déploiement de dispositifs d’insertion professionnelle performants afin de rendre optimaux les marchés de l’emploi : mise en relation entreprises et demandeurs d’emploi, notamment les jeunes, création de compétences en adéquation avec les bassins d’emplois. Il faut donc agir sur ces différents tableaux.

Que propose l'AFD comme action concrète pour améliorer l'employabilité des jeunes ?
En Tunisie, par exemple, nous avons mis en place "le dispositif de la nouvelle chance" qui s’adresse à de jeunes décrocheurs de 18 à 30 ans, avec l’appui de l'Agence tunisienne pour l’emploi. Au Cameroun, l’AFD soutient la formation professionnelle agricole, et fournit un appui financier à la première installation de jeunes agriculteurs, avec de très bons résultats. Au Maroc, nous accompagnons le déploiement de la politique nationale de promotion de l'emploi dans trois régions pilote. En Côte d'Ivoire, nous soutenons la déconcentration de l’Agence Emploi Jeunes et délivrons des prêts d’honneur pour soutenir des créations d’entreprise. Nous favorisons également les échanges entre pairs à travers la coopération entre les acteurs français (Pôle Emploi, Initiative France, universités françaises, centres de recherches ou de formation professionnelle) et leurs homologues africains.

Quels sont des secteurs prioritaires aujourd'hui pour le continent ?
Sans conteste l’agriculture et le secteur de l’énergie, le numérique. L’agriculture constitue une nécessité. Il s’agit d’apporter une réponse aux crises alimentaires, de favoriser la diversification des économies à travers la création de chaînes de valeur pourvoyeuses d’emplois et d’opportunités économiques. Une agriculture qui doit être durable et s’inspirer des principes agro-écologiques, car de nombreux pays africains sont déjà exposés durement au réchauffement climatique et à la désertification, notamment en raison des sécheresses à fréquence accrue. Autre secteur prioritaire, les infrastructures visant à améliorer la connectivité des territoires (transports, numérique) mais aussi et surtout l’énergie. Les besoins en énergie renouvelables sont colossaux, plusieurs pays africains se sont engagés dans une transition énergétique que nous souhaitons accompagner, à l’instar de l’Afrique du Sud.

Au Sahel, l'engrenage des violences et de la pauvreté semble pousser ces pays vers l'abîme...
Il faut tordre le cou à l’idée que la violence au Sahel empêche le développement de l’économie de ces pays. Malgré les violences jihadistes, les économies de la région ont connu une croissance forte jusqu’en 2020. La reprise se fera, comme dans les autres régions du Continent. Le Sahel n’est pas une cause perdue, loin s’en faut. Il faut continuer à investir dans cette zone malgré les tensions sécuritaires. Il faut soutenir l’agriculture avec, notamment, le projet de Grande muraille verte. Il faut également apporter à la jeunesse de cette région la formation et les opportunités économiques dont nous parlions au début de cette interview.

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