L'Algérie ferme l'accès de son territoire à des producteurs marocains de dattes
Alger met fin à une tolérance qui permettait à des agriculteurs marocains d'exploiter une palmeraie située en territoire algérien.
C'est le dernier épisode dans les relations chaotiques entre le Maroc et l'Algérie. Ce sont cette fois des petits producteurs de dattes qui en font les frais. Le drapeau algérien flotte désormais sur l'oasis d'El Arja. Du moins sur les tentes des soldats algériens qui y ont pris position, réaffirmant ainsi la souveraineté algérienne sur le territoire, assure le site web Le 360.
Côté marocain, à Figuig, des centaines de manifestants ont organisé une marche vers cette palmeraie le 18 mars. Ils protestaient contre leur expulsion de "ces terres agricoles, historiquement propriété des Marocains", affirme Le 360.
Le secteur Figuig (Maroc)-El Arja (Algérie) fait partie des bizarreries de l'Histoire. La ville de Figuig est perdue à l'extrémité est de la région de l'Oriental, sensiblement oubliée par Rabat. La frontière passe entre les deux villages et est reconnue par les deux Etats dans un accord signé entre Hassan II et Houari Boumediène en 1972.
Une tolérance historique
Pour autant, les producteurs de dattes de Figuig pouvaient venir en territoire algérien pour exploiter les palmiers de l'oasis d'El Arja. Même après 1994 et la fermeture des frontières entre les deux pays qui se regardent pourtant en chiens de faïence.
Au fil du temps, ce qui n'était qu'un droit d'usage issu de la colonisation est devenu une activité agricole importante. Les récoltes sont bonnes et les fruits de qualité. Selon le site internet Yabiladi, les agriculteurs exploitent entre 10 000 et 15 000 palmiers dont les plus productifs rapportent jusqu'à 4 000 dirhams par an (environ 370 euros).
Privatisation des lieux
L'activité est suffisamment rentable pour que les producteurs aient installé à leurs frais des branchements en eau et même des installations d'énergie solaire. Cette lente privatisation des lieux s'est concrétisée également par l'entretien des chemins pour accéder aux exploitations qui s'étendent sur une centaine d'hectares. Le tout sans aucun titre de propriété.
Jusqu'alors, l'Algérie laissait faire et ne trouvait rien à y redire. Mais le ton a brusquement changé. Le 17 mars, les militaires algériens ont bloqué l'accès de l'oasis aux agriculteurs marocains à l'issue d'un ultimatum envoyé quelques jours auparavant. Désormais, tout Marocain traversant la frontière sera appréhendé.
Départ sans heurt
Selon le quotidien algérien El Watan, qui cite une source à la daïra de Beni Ouenif, ces exploitants, "pas plus d'une quarantaine, n'ont pas fait dans la résistance. Ils savaient tous qu'ils étaient sur une terre algérienne, qui ne leur appartenait pas. Certains ont demandé un délai d'une dizaine de jours pour prendre leurs équipements, qui leur a été accordé."
France 24 a publié des vidéos où l'on voit des ouvriers charger dans des camions des arbres qui ont été déracinés pour être replantés ailleurs. Ce qui laisse à penser que les exploitants n'ont guère d'espoir de revenir sur ces terres un jour.
Certaines sources laissent entendre que le bouclage de la frontière vise à bloquer le trafic de cannabis. "Les quantités de haschich que le Maroc déverse sur notre territoire ne cessent de se multiplier", explique un haut gradé au journal El Watan. Une route de la drogue qui passerait par Figuig.
Rétorsion d'Alger ?
D'autres médias y voient une réaction à l'expansion marocaine au Sahara occidental, éternelle pomme de discorde entre les deux pays. Les autorités marocaines ont annoncé il y a peu un prolongement du mur de sécurité qui sépare le Sahara occidental de l'Algérie. L'expulsion des cueilleurs de dattes serait donc un acte de rétorsion de la part d'Alger.
Ni Rabat, ni Alger n'ont fait jusqu'à présent le moindre commentaire, Rabat ayant même bloqué les manifestants avant qu'ils ne se rendent côté algérien. Mais cette affaire mineure a déclenché, comme à chaque fois, une vague de patriotisme dans la presse et sur les réseaux sociaux.
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