Nouvelles violences intercommunautaires en Côte d'Ivoire : neuf morts
Neuf personnes sont mortes et au moins 84 ont été blessées à Beoumi, petite ville du centre de la Côte d’Ivoire secouée par des violences ethniques, pendant trois jours, depuis le 15 mai 2019. Des heurts récurrents dans ce pays aux nombreuses minorités. La propriété terrienne et l’agriculture sont souvent la cause de conflits entre population.
Tout a commencé par une altercation entre un chauffeur de taxi-brousse et un conducteur de moto-taxi. Deux hommes issus d’ethnies différentes, un Baoulé et un Dioula, autrement dit un local et une personne venue du nord du pays. La rumeur a couru que le Baoulé avait été tué dans l’altercation et la violence a fusé, enchaînement de vengeances d’un camp à l’autre. Selon l’AFP, des maisons ont été incendiées, dont celle de l’instituteur.
Puis les affrontements se sont étendus aux villages avoisinants. "J'ai vu une foule qui venait de Béoumi. Des jeunes Malinkés (autre nom des Dioulas NDLR) armés de gourdins, de machettes et de fusils calibre 12... Ils ont commencé à tirer, j'ai couru jusqu'à la maison. J'ai pu prévenir ma cousine, qui est sortie avec ses deux enfants", raconte à l’AFP, Désiré Kouamé, un Baoulé.
Depuis, précise l’AFP, l’armée s’est déployée et le calme est revenu. Mais les deux clans veulent toujours en découdre. "Cette situation est triste, mais par rapport aux propos que les gens tenaient ,'Vous n'êtes pas chez vous', on savait que tôt ou tard ça allait arriver", estime Adama Traoré, un Malinké. "L'harmonie a été rompue. On ne peut plus s'entendre, du moins les jeunes gens des deux camps. Il y a tout le temps des accrochages", assure Raphaël Brou Kouamé, 76 ans, fonctionnaire Baoulé à la retraite.
"Ivoirité", un concept
Les Baoulés sont le peuple majoritaire de Côte d’Ivoire, représentant le quart de la population. Ils vivent principalement dans le centre du pays entre Bouaké et Yamoussoukro. Mais on compte des dizaines d’ethnies. Les Dioulas, eux, viennent du nord du pays. Le concept d'"’ivoirité" a été inventé à des fins politiques par l’ancien président Henri Konan Bédié pour barrer la route à l'actuel chef de l'Etat, Alassane Ouattara, dont un des deux parents au moins était originaire du Burkina voisin. Cette "ivoirité" va ainsi faire un mal mortel au pays.
Très vite, la Côte d’Ivoire va se retrouver divisée entre "les Ivoiriens de souche" et "les Ivoiriens de circonstance", écrit Slate. Le pays se déchire entre nord et sud. Comme dans tous les pays du monde, les étrangers se sont chargés des activités délaissées par les autochtones. Ici, les activités agricoles et les petits métiers.
"La dépossession de terres reste un facteur clé des tensions intercommunautaires et des violences au niveau local dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. La loi de 1998 relative au domaine foncier rural, conçue pour améliorer la fiabilité de la propriété foncière en convertissant les droits coutumiers en titres légaux, reste dans l’ensemble très peu appliquée", explique Human Rights Watch. Un droit coutumier qui bien sûr laisse peu de place aux "étrangers".
Et bien souvent quand l’autochtone possède la terre, ce sont les personnes originaires d'ailleurs qui la travaillent, un rapport social qui ne fait qu’attiser les haines.
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