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Sierra Leone: pas assez de riz produit pour assurer l’autosuffisance alimentaire

En Sierra Leone, le gouvernement cherche à assurer l’autosuffisance alimentaire des habitants. Et met l’armée, gros consommateur de riz, au service de l’agriculture.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Sur un marché de la capitale de la Sierra Leone, Freetown, le 13 mars 2008. (REUTERS / Katrina Manson )

Début 2016, dans The Patriotic Vaguard, le président sierra-léonais Ernest Koroma justifiait la création d’une unité dédiée à l’agriculture au sein de l’armée pour fournir de la nourriture de base aux troupes et participer à l’effort de production locale de riz.

Il faut dire que le gouvernement a instauré en 2009 l’attribution d’un sac de riz de 50 kilos par mois pour chaque membre du personnel militaire. Une mesure qui lui coûte cher et l’oblige à importer du riz, alors même que les bassins rizicoles de ce petit pays couvrent 0,5 million d’hectares sur les 6 millions que compte l’Afrique de l’Ouest.

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L’Agence de presse africaine a indiqué le 8 juin 2017 que l’armée sierra-léonaise et le ministère de l’Agriculture avaient signé un contrat ouvrant l’augmentation des activités agricoles aux militaires pour répondre à leur demande en riz. Et pour en produire plus en vue de fournir la police, les prisons ou les hôpitaux... A ce jour, l’armée exploite des fermes dans les districts de Moyamba et Tonkolili.

Le riz, «élément essentiel» de l'alimentation des Sierra-Léonais
En 2014, Afrique Renouveau précisait que «les Sierra-Léonais adorent le riz, élément essentiel de leur alimentation». Ils en consomment environ 60 kilos par an et par personne. Là où le bats blesse, c’est que «plus de 60% du riz consommé dans le pays (sont) toujours importés». Selon commodafrica, «près de la moitié des exportations de riz du Brésil ont été à destination de l'Afrique en juin (2017), la Sierra Leone étant le premier acheteur toutes destinations confondues, selon l'Institut du riz de Grande do Sul».


Pourtant, «la Sierra Leone dispose d’un fort potentiel agricole. L’agriculture reste le principal moyen de subsistance des habitants. Ce secteur représente 56% du PIB et deux tiers des emplois du pays. La production agricole est concentrée sur quelques produits de base: riz, cacao ou café», précise France Diplomatie.

C’est pourquoi, l'ancien ministre sierra-léonais de l’Agriculture, des Forêts et de la Sécurité alimentaire, Joseph Sam Sesay, demandait en 2014 à ses compatriotes qu'ils «prennent leurs distances avec le riz», comme l’indique Afrique Renouveau. Les ménages consacrent de 20 à 50% de leurs revenus à l’achat de cette céréale. Joseph Sam Sesay y voit une «dépendance excessive» qui «pourrait nuire à l’objectif de sécurité alimentaire du pays».

Le ministre prônait donc un changement d’habitudes alimentaires et la consommation de produits cultivés en Sierra Leone, à savoir l’igname, le manioc et la patate douce. En 2012, Géopolis indiquait«Le gouvernement tente également de relancer certaines cultures, dont celle du gingembre et des épices, secteur porteur en termes d’exportation, notamment vers l’Europe, et surtout de création d’emplois en faveur des femmes, qui représentent 60% de la main d’œuvre agricole».
Les femmes portent leur récolte de manioc sur leur tête, sur la route qui mène de Koidu à Freetown, en Sierra Leone, en novembre 2004. (THOMAS SCHULZE / dpa-Zentralbild / DPA)

Crise alimentaire et épidémie d'Ebola
Mais cela ne suffira pas. La Sierra Leone a eu du mal à se relever de la crise alimentaire de 2007-2008 (liée à la flambée des prix des produits de base) et commence à peine à se remettre de l’épidémie d’Ebola qui a décimé en 2014-2015 de nombreux agriculteurs et miné l'économie.

Pour Nyabenyi Tipo, représentant de la FAO en Sierra Leone, repris par commodafrica, «la production de riz a chuté de 15% au cours des cinq dernières années, et seulement 4% des agriculteurs cultivent suffisamment de riz pour répondre à leurs besoins annuels. En moyenne, 99% des agriculteurs utilisent des outils manuels et seulement 10% ont accès à de meilleures variétés de semences.» 

Si Freetown attend une croissance d'au moins 5% pour 2017 (4,3% en 2016 contre -21,5% en 2015, selon le FMI), l’inflation s’élève à 17% (2016) et pèse sur le pouvoir d’achat des habitants.

Plus de la moitié d'entre eux (3,5 millions de personnes) vivent sous le seuil de pauvreté et sont en insécurité alimentaire, en hausse de 60% depuis 2010.

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