Suspect en Europe, bloqué aux Etats-Unis, le chinois Huawei triomphe en Afrique
Accusé d'espionnage aux Etats-Unis et en Europe, l'entreprise chinoise de télécom avance ses pions en Afrique, que ce soit dans le développement des réseaux ou la vente de smartphones. La marque a commencé son implantation en Afrique par le Kenya en 1997-1998. Aujourd'hui, elle s'impose sur tout le continent.
Huawei est connu pour ses smartphones. La marque chinoise en a écoulés quelque 200 millions en 2018 et ambitionne de devenir numéro un mondial en en vendant 300 millions en 2020... ce que lui conteste Samsung désireux de garder son rang de leader. S'il est connu pour ses téléphones, le géant chinois est déjà leader pour les équipements de réseau qui sont, en fait, son activité principale.
"L'Afrique est un continent stratégique pour le groupe"
Créée en 1987, l'entreprise se développe sur tous les continents grâce à des investissements massifs dans la recherche et le développement (premier déposant de brevets au monde). Pas étonnant dans ce contexte mondialisé de voir ce groupe lorgner, comme nombre de sociétés chinoises, vers l'Afrique.
"L'Afrique est un continent stratégique pour le groupe grâce à son taux de croissance et à sa jeunesse", affirme Philippe Wang, le vice-président de Huawei pour la région Afrique du Nord. Avec ses deux milliards d'habitants attendus d'ici 2050, l'Afrique est un terrain idéal pour le groupe chinois, qui souhaite s'imposer comme leader sur le continent.
"Quelque 660 millions d’Africains devraient être équipés d’un smartphone en 2020"
Pour Pékin, "Huawei est la marque de smartphones enregistrant la croissance la plus rapide en Afrique. Généralement, les prix de ses produits sont environ 15% moins chers que ses concurrents européens Nokia et Ericsson. Il n’est donc pas étonnant que les Sud-Africains (par exemple) achètent plus de téléphones portables Huawei que d’iPhones."
"Quelque 660 millions d’Africains devraient être équipés d’un smartphone en 2020, un nombre qui aura pratiquement doublé par rapport à 2016", selon les chiffres du cabinet Deloitte, cités par Le Monde. Et Huawei profite de cette croissance, avec des ventes en progression de 70% sur la zone Europe, Moyen-Orient, Afrique.
"Huawei est présent sur tout le continent, avec plus de 5000 employés"
Les succès de la marque chinoise, accusée d'être étroitement liée au régime de Pékin (son fondateur est un colonel de l'armée), a provoqué des réactions sur plusieurs marchés occidentaux. Victime d'accusations d'espionnage, le groupe s'est retrouvé bloqué en Australie, aux Etats-Unis et sur certains marchés européens... mais pas en Afrique.
"Huawei a été accusé de permettre au gouvernement chinois d’utiliser ses appareils pour espionner les Etats-Unis. Jusqu’à présent, ce ne sont pourtant que des allégations", affirme pour sa part le gouvernement chinois qui voit dans ces accusations une manœuvre commerciale. "Il s’agirait uniquement d’une stratégie pour exclure Huawei d’accords lucratifs, alors que le monde se dirige vers la prochaine génération de standards pour la téléphonie mobile : la 5G", explique la Chine.
Seul le secrétaire kényan du ministère de l’Information et des Télécoms Joseph Mucheru s’est ému des soupçons qui pèsent sur Huawei, selon RFI. Courant décembre, il a demandé à l’Autorité africaine des Télécoms d’enquêter sur l'entreprise chinoise pour vérifier s’il y a ou non un risque d’espionnage des citoyens africains. Une interrogation qui ne part pas de rien puisqu'une affaire d'espionnage au siège de l'Unité africaine, impliquant la Chine, mais démentie par Pékin, avait été dénoncée.
South Africa is a key market for Huawei Enterprise https://t.co/fUVF0OlGS3
— BusinessTech (@BusinessTechSA) 12 avril 2019
Huawei emploie aujourd'hui "180 000 employés dans plus de 170 pays. Implanté en Afrique depuis 1997, Huawei est présent sur tout le continent, avec plus de 5000 employés et près de 2400 partenaires. En Egypte, en Tunisie, au Maroc, en Ethiopie ou au Cameroun, le groupe a coopéré avec plus de 84 universités pour la mise en place l'Académie Huawei ICT Network", rapporte La Tribune qui précise que l'Afrique procure 15% du chiffre d'affaires de la société.
Le développement de la 5G
La Chine a su s'implanter massivement en Afrique et Huawei est acteur et bénéficiaire de cette implantation, tant pour la vente de smartphones, que pour son activité réseaux. La société se développe du nord au sud du continent, signant des accords un peu partout.
En Afrique du Sud, Huawei a signé pour la création d'un centre de données. "L’infrastructure numérique fait ainsi du groupe technologique chinois, l’un des tout premiers fournisseurs de services Cloud en Afrique", note le site AgenceEcoFin. Même engagement en Egypte où la société chinoise a signé un accord avec la société égyptienne Telecom Egypt pour développer le cloud. Au Burkina Faso, Huawei a conduit la pause de fibre optique d'une longueur de 307 kilomètres entre Ouagadougou et Paga, à la frontière du Ghana, avec une bretelle pour relier Manga et Bagré. En Tunisie, Huawei, dont un vice-président a rencontré le président Essebsi, affirme aider le pays pour son plan Tunisie numérique 2020. Et au Maroc, le groupe chinois s'est associé avec l'opérateur Inwi pour la 5G.
Sur ce continent où les infrastructures sont limitées, le passage direct à la 5G offre d'immenses possibilités. Le tout premier réseau commercial à très haut débit du continent a été lancé en août 2018 au Lesotho et partout des projets avancent. "Au regard de l’investissement engagé par les opérateurs télécoms depuis 2017, il transparaît clairement que le réseau 5G sera une réalité dans une assez grande partie du continent d’ici 2020", note Ecofin.
Une opportunité pour le géant chinois qui a su investir au bon moment en Afrique. "L’une des raisons pour lesquelles la marque est aussi forte en Afrique est la vision de l’entreprise à travailler avec les pays ayant un PIB par habitant similaire ou inférieur à celui de la Chine", explique Pékin qui ajoute : "Dire que Huawei a fait mouche sur le marché africain est un euphémisme."
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