Egypte : pourquoi la police a délogé les partisans de Morsi
Après plus d'un mois de sit-ins, les supporters des Frères musulmans ont été pris pour cibles, mercredi, au Caire. Le régime ne s'est pas encore expliqué.
L'occupation a duré plus d'un mois, avant d'être brutalement réprimée. Les autorités égyptiennes ont entrepris, mercredi 14 août, de vider les places Rabaa Al-Adawiya et Nahda, au Caire (Egypte), où s'étaient installés des dizaines de milliers de manifestants, avec femmes et enfants. Alors que le gouvernement indiquait encore, lundi, que "le dialogue [serait] privilégié", francetv info se penche sur les raisons de ce revirement, qui a donné lieu à un bain de sang.
Un ultimatum bravé par les manifestants
Le gouvernement avait donné jusqu'à dimanche soir, après les fêtes de fin du mois de ramadan, pour que les manifestants pro-Morsi lèvent le siège. En cas de refus, ils seraient délogés de force dans "le cadre de la loi" et "sur décision de justice", avaient menacé les autorités. Malgré cet avertissement, les islamistes ont multiplié, depuis dimanche, les appels à défiler à travers l'Egypte. Ils souhaitent maintenir la pression sur les nouvelles autorités et exiger le retour au pouvoir de Mohamed Morsi, le président déchu par l'armée, leur seule condition pour lever le camp.
Des manifestants "terroristes", selon le régime
"Un gouvernement démocratique ne peut pas accepter la poursuite de rassemblements et de sit-ins qui menacent la sécurité du pays", a déclaré, lundi, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, interrogé par la BBC. Soutenu par la quasi-intégralité des médias, le gouvernement a accusé les Frères musulmans, le parti de Mohamed Morsi, d'être des "terroristes", bien que ceux-ci insistent sur la dimension pacifique de leurs rassemblements.
Ils se sont servis, selon les autorités, des femmes et des enfants comme "boucliers humains". Ils auraient aussi stocké des armes automatiques sur les places Rabaa Al-Adawiya et Nahda. L'agence de presse officielle a fait état, mercredi matin, de l'arrestation de 200 occupants pour détention d'armes, selon le site indépendant Aswat Masriya (lien en anglais). "Il n'y a pas de preuve d'usage d'armes par des manifestants", indiquait toutefois, un peu plus tard, la chaîne britannique Sky News.
Un gouvernement sous pression
Depuis le début de l'occupation des deux places, le gouvernement a peiné à adopter une stratégie claire, déchiré entre partisans de la manière forte, soutenus par une grande partie de la population, et tenants du dialogue, appuyés par la communauté internationale qui a tenté plusieurs médiations. Le 2 août, le vice-président par intérim et prix Nobel de la Paix, Mohamed El-Baradei, avait prévenu qu'il "ne [tiendrait] pas longtemps". "Des gens sont furieux contre moi parce que je dis : 'prenons notre temps, parlons avec eux'. L'humeur, maintenant, c'est plutôt 'écrasons-les'."
Redoutant une éruption de violence, les Etats-Unis ont demandé, mardi, aux autorités égyptiennes de laisser manifester les partisans de Mohamed Morsi, en vain. "Nous encourageons le gouvernement intérimaire à laisser le peuple manifester, c'est un élément fondamental pour faire avancer le processus démocratique", avait plaidé le département d'Etat américain.
Des manifestants jusqu'au-boutistes
Après avoir demandé à plusieurs reprises le départ des manifestants, le régime égyptien a, semble-t-il, accéléré sa décision en voyant les manifestants "remplir des sacs de sable et construire des murs de brique avec des barres d'armature", selon The Washington Post. Samedi, un état d'urgence a été déclaré au sein des sit-ins, avec des appels à des médecins et des infirmières en cas d'affrontements. "Nous allons soit mourir soit ne pas mourir, donc nous n'avons rien à craindre, confiait un occupant au Washington Post. Nos amis sont morts, nous pouvons nous aussi mourir."
L'assaut a été lancé, mercredi, vers 7 heures, place Nahda. Selon un colonel de l'armée égyptienne, interrogé par Le Monde, un couloir d'évacuation a été mis en place pour les manifestants souhaitant quitter les lieux.
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