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Contre le braconnage, les éléphants ont-ils inventé la défense génétique ?

De plus en plus d’éléphants naîtraient sans leurs défenses aujourd’hui en Afrique. Il s’agirait, selon certains chercheurs, d’une évolution génétique destinée à protéger l’espèce contre le braconnage dont elle est victime à cause de la valeur de l’ivoire.

Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Eléphants dans le parc national de Murchison Falls, en Ouganda. (DAVID FETTES / CULTURA CREATIVE /AFP)

Des observations montrent que de plus en plus d’éléphants n’ont plus de défenses ou sont porteurs d’incisives extrêmement courtes. "Dans le parc national Addo en Afrique du Sud, cela concernerait jusqu'à 98 % des 174 spécimens présents", rapporte Sciences et Avenir. Une augmentation du nombre de femelles sans défenses a également été observée en Zambie, en Tanzanie et en Ouganda ces dernières années.

Cette situation avait déjà été observée sur les pachydermes du parc national de Gorongoza, au Mozambique. Lors de la guerre civile (1976-1992) qui a sévi dans ce pays, ces animaux ont été particulièrement chassés pour leur ivoire afin de financer les achats d’armes. Cela a conféré aux éléphants sans défenses un avantage biologique. Résultat : "Des chiffres récents suggèrent qu’environ un tiers des jeunes femelles (celles nées après la fin de la guerre en 1992) n’ont jamais développé de défenses. Or, normalement, cette absence ne se manifeste que chez 2 à 4 % des éléphants d’Afrique", rapportait le National Geographic en novembre 2018.

L'homme aurait donc indirectement un rôle dans l'évolution (les biologistes préfèrent parler de "dérive génétique" plutôt que d'"évolution") des éléphants. L’absence de défenses étant génétique, "la descendance (mâle ou femelle) aurait naturellement hérité de cette caractéristique, soit 33 % des éléphants âgés entre 10 et 20 ans. Ainsi, le braconnage aurait eu une incidence sur la progression du nombre de pachydermes avec des incisives atrophiées", précise Siences et Avenir

Le phénomène n’est pas propre, semble-t-il, à l'Afrique puisqu’il est aussi décrit en Chine. "Le gène responsable de l’absence de défenses est en train de se répandre parmi les populations d’éléphants vivant dans la province de Yunnan, dans le sud-ouest du pays. Ce gène, généralement présent chez 2 % à 5 % des éléphants asiatiques, a été récemment découvert chez 5 % à 10 % des éléphants chinois", constatait déjà le China Daily de Pékin en 2005.

Pour le professeur de zoologie Zhang Li, "plus leurs défenses sont longues, plus ils courent le risque d’être abattus par des braconniers".  “Ceux qui n’en ont pas ont davantage de chances de survivre, d’où la propagation du gène de l’absence de défenses dans l’espèce. Il ne s’agit pas d’une évolution naturelle, mais d’un changement induit par la force des armes”, conclut le zoologiste pour expliquer cette évolution.

Il faut dire que le prix de l'ivoire a de quoi susciter l'appétit des braconniers : "Un mâle de 50 ans peut avoir des défenses pesant jusqu'à 49 kilos chacune. Avec un prix mondial de l’ivoire de l’ordre de 1000 dollars le kilo, c’est un salaire de près de 100 000 dollars pour les braconniers", note le New York Times.

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