COP26 : la protection des forêts mondiales, puits de carbone et poumon de la planète, premier accord en vue à Glasgow
Une centaine de pays représentant 85% des forêts de la planète s'engagent à mettre fin à la déforestation et à l'inverser d'ici 2030.
La gouvernance mondiale des forêts est le premier accord annoncé le 2 novembre 2021 à la conférence climatique (Cop 26) réunie à Glasgow.
Plus de 100 dirigeants mondiaux représentant 85 % des forêts de la planète se sont engagés à interrompre puis à inverser la déforestation et la dégradation des terres d'ici à 2030. Parmi les pays signataires on compte les plus grandes forêts de la planète : le Canada, la Russie, le Brésil, l'Indonésie et la République démocratique du Congo.
Le "Forest Deal" est l’un des dossiers majeurs et emblématique de la conférence sur le climat qui se tient à Glasgow jusqu’au 12 novembre. " Les forêts captent le carbone et rejettent de l’oxygène. Les forêts du bassin du Congo sont, avec l’Amazonie, le principal poumon vert de la planète.
La forêt est un piège à carbone
"Il n'est pas possible de parvenir aux objectifs de limitation de la hausse des températures sous 1,5 degrés de l'accord de Paris, sans mettre fin à la déforestation de la forêt tropicale", affirme l’ONG Global Forest Watch.
"Protéger les forêts est essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique alors que la destruction des forêts tropicales représente quelque 8% des émissions mondiales de CO2"
ONG Global Forest WatchThe Guardian
L'accord, dont on a pas encore tous les détails, prévoit d'un financement public et privé totalisant 19,2 milliards de dollars (16,5 milliards d'euros) "est essentiel pour parvenir à l'objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C.", selon le Premier ministre britannique, Boris Johnson.
Les PDG de plus de 30 institutions financières privées et fonds de pensions représentant plus de 8 700 milliards de dollars d'actifs mondiaux se sont engagés à éliminer les investissements dans les activités liées à la déforestation. Une déclaration forte, qu’il faudra concrétiser et vérifier.
1,3 milliard d’euros de ces fonds seront fléchés pour protéger le bassin du Congo, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale du monde. Il s'agit également d'accompagner les communautés autochtones, qui sont considérées comme les meilleures gardiens naturelles du monde naturel.
Les grands pays producteurs et consommateurs de produits de base liés à la déforestation tels que le soja, le cacao, le café et l'huile de palme vont devoir également s'engager à arrêter la déforestation.
Pour Simon Lewis, professeur de science du changement global à l'University College London : "Il faut revoir les chaînes d'approvisionnement, et réduire progressivement la superficie mondiale des terres agricoles nécessaires pour nourrir l'humanité, et ainsi soulager les forêts restantes du monde." et donc arrêter de détruire des forêts pour faire du soja destiné à l'alimentation animale.
Les forêts tropicales reculent chaque année
Pièges à carbone essentiels, les forêts tropicales ont continué à reculer à grande vitesse ces dernières années que ce soit au brésil, en Indonésie, ou en Afrique centrale. Selon Global Forest Watch la destruction de forêts primaires était en hausse de 12% en 2020 malgré la crise sanitaire et économique.
Dans le collimateur des experts, le brésil de Jaïr Bolsonaro qui a perdu depuis 2019 quelque 10.000 km2 de forêt par an, l'équivalent de la superficie du Liban, contre 6.500 km2 par an lors de la précédente décennie. Présent à Glasgow, le ministre brésilien signataire de l’accord a présenté un objectif ambitieux de neutralité carbone d'ici 2050. Changement de stratégie du Brésil sous la pression internationale, ou prise de conscience tardive?
Mais le président bolsolnaro n’a pas fait le déplacement à Glasgow, préférant visiter le nord de l’Italie, d’où est originaire sa famille. Un mauvais signal.
Le Fonds pour l'Amazonie, organisé dès 2008 pour financer la lutte contre la déforestation au Brésil, auquel la Norvège a apporté 1,2 milliard de dollars, était considéré comme un succès, avant que le président brésilien d’extrême droite détricote les lois environnementales poussées par les grands propriétaires terriens du soja et de l’élevage qui ont financé sa campagne électorale.
Tenir ses engagements
Pour Frances Seymour, experte en forêts et gouvernance au World Resources Institute, les engagements de la Cop26 doivent refléter une réelle volonté, "car plusieurs pays avaient déjà pris des engagements en matière de déforestation qu'ils n'ont pas tenus".
Même préoccupation pour les forêts tropicales du bassin du Congo alors que Kinshasa menaçait il y a peu d'accorder de nouveaux titres d'exploitation forestière.
Si le moratoire en cours depuis 2012 est levé "la superficie de la forêt tropicale de la RDC remise aux entreprises forestières pourrait augmenter de 20 millions d'hectares" .
Parmi ces zones susceptibles d'être cédées aux forestiers, "il y aurait plus d'un million d'hectares dans des tourbières", dont l'exploitation pourrait, selon elles, libérer une quantité de dioxyde de carbone estimée à plus de 10 milliards de tonnes. Ces permis auraient été donnés à entreprises chinoises, malaisiennes ou vietnamiennes qui ne respectent aucunes règles d’exploitation durable et sélective.
Cet accord sur la préservation des forêts a l'avantage de fixer des objectifs clairs au niveau mondial de réduction de la déforestation et de la dégradation des sols d'ici 2030. Mais pour des ONG comme Greenpeace, l'objectif de 2030 est beaucoup trop loin dans le temps et donne ainsi le feu vert à "une décennie supplémentaire de déforestation".
D'autant que lors de la "Déclaration de New York sur les forêts" qui date de 2014, engageait déjà de nombreux pays signataires à diviser par deux la déforestation en 2020 et d'y mettre fin en 2030.
"Les peuples indigènes demandent que 80% de la forêt amazonienne soit protégée d'ici à 2025 et ils ont raison, c'est ce qu'il faut faire", a insisté Carolina Pasquali, responsable de Greenpeace au Brésil. sachant que 17% de sa surface a déjà été défriché pour l'élevage extensif, le soja, et l'exploitation minière.
Tout en saluant ce premier accord, Tuntiak Katan, de la Coordination des organisations autochtones du bassin de l'Amazonie (Coica), a indiqué que la manière dont les fonds seront effectivement dépensés sera surveillée de près. La surveillance et la vérification des engagements est en effet la question centrale.
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