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Importation illégale du bois de RDC: la France épinglée par l'ONG Global Witness
L'exploitation forestière illégale en République démocratique du Congo est une pratique récurrente dénoncée dans le dernier rapport Global Witness, publié le 26 juin 2018. L'ONG anti-corruption demande aux pays européens importateurs de bois, dont la France, d'agir pour lutter contre ce commerce illégal qui met en péril un des derniers «poumons verts» de la planète.
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«Echec total du système». L'intitulé du dernier rapport de Global Witness donne une idée de l'étendue des problèmes causés par l'exploitation forestière illégale en République démocratique du Congo (RDC). Après deux ans d'enquête, l'ONG accuse ouvertement la société européenne Norsudtimber, plus grand propriétaire de concessions forestières du pays, d'«opérer presque entièrement dans l'illégalité, en violation des points essentiels du code forestier congolais». Global Wittness s'est basé sur un traçage des coupes de bois réalisé à l'aide d'images satellite.
Sodefor et Forabola, deux entreprises congolaises spécialisées dans le bois et contrôlées par Norsudtimber sont mises en cause pour avoir «exploité le bois en dehors des périmètres autorisés dans la concession». Elles se défendent, estimant qu'«une image avec des routes hors périmètre n'implique pas une exploitation hors périmètre». Dans un courrier adressé à Global Wittness, elles ajoutent que «de manière générale il faut aussi être prudent et vérifier si les routes visibles par images satellite sont récentes ou anciennes».
Norsudtimber exploite 40.000 km² de forêt en RDC
Le rapport relève que Norsudtimber a contrôlé, en 2017, plus de 60% du commerce du bois en RDC. Les concessions forestières exploitées par cette société basée au Lichtenstein représentent une superficie d'environ 40.000 km². «78% des exportations de bois de Norsudtimber sont parties vers la Chine et le Vietnam entre 2013 et 2017. L'Europe compte pour 11%, principalement le Portugal et la France», souligne le rapport.
Egalement dénoncé par Global Wittness, un programme porté par l'Agence française de développement (AFD) de 18 millions de dollars US (environ 16 millions d'euros), dont 6 millions de dollars financés par la France. Ce projet est censé soutenir en partie l'expansion de l'exploitation forestière industrielle en RDC, ce qui, selon l'ONG, «irait à l’encontre des objectifs de protection du climat et de la forêt», auxquels s’est engagé la RDC en adoptant une stratégie nationale de lutte contre la déforestation en 2012.
Programme de l'AFD de 18 millions de dollars contesté
A Kinshasa, l'AFD a réagi, regrettant que «depuis plusieurs années, cette ONG (l')attaque pour un programme conçu avec les autorités congolaises qui vise à améliorer la gouvernance du secteur forestier».
Ce programme sur quatre ans apporterait néanmoins un soutien à Norsudtimber ainsi qu'à Cotrefor, la compagnie de Transport et d'Exploitation forestière basée à Kinshasa, laquelle a été poursuivie, en 2016, par Greenpeace France pour trafic de bois illégal et manquement au devoir de diligence raisonnée.
Un responsable de Global Wittness, Julien Caron, cité par l'AFP, dit ne pas être surpris «que la loi soit bafouée en RDC, mais il est choquant que la France fasse si peu pour mettre un terme à ses importations de bois illégalement prélevé».
La loi RBUE en vigueur depuis 2013 dans l'UE
Importateurs et exploitants forestiers européens sont tenus de s'assurer de la légalité du bois, depuis le 3 mars 2013, date d'entrée en vigueur du Règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE). Mais la France, l'un des principaux importateurs de bois tropical en Europe, n'aurait effectué que 14 contrôles auprès d'entreprises sans avoir imposé de sanctions dissuasives sur une période de six mois en 2017, selon le site Guinée28.
Pour Greenpeace, la déforestation de la forêt tropicale du Bassin du Congo accélère le réchauffement climatique, en libérant du dioxyde de carbone. Celui-ci est stocké dans les tourbières qui couvrent 145.000 km² d'un espace marécageux, grand comme l'Angleterre, situé entre le Congo-Brazzaville et la RDC.
En 2016, une équipe d'observateurs de Global Witness qui enquêtait sur un site d'exploitation forestière de Norsudtimber, s'était vue expulsée de RDC, précise Global Witness. En 2015, l'ONG dénonçait déjà l'exploitation illégale du bois congolais pour fournir le marché international, dans un rapport intitulé L'impunité exportée. On y apprenait notamment que le commerce du bois représente une valeur de 87,1 millions d’euros et que les principaux destinataires sont les Etats-Unis et l'Europe.
Les forêts de la RDC couvrent 60% du territoire et font vivre 40 millions de Congolais autour et à l'intérieur des concessions.
En 2016, une équipe d'observateurs de Global Witness qui enquêtait sur un site d'exploitation forestière de Norsudtimber, s'était vue expulsée de RDC, précise Global Witness. En 2015, l'ONG dénonçait déjà l'exploitation illégale du bois congolais pour fournir le marché international, dans un rapport intitulé L'impunité exportée. On y apprenait notamment que le commerce du bois représente une valeur de 87,1 millions d’euros et que les principaux destinataires sont les Etats-Unis et l'Europe.
Les forêts de la RDC couvrent 60% du territoire et font vivre 40 millions de Congolais autour et à l'intérieur des concessions.
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