Le Gabon va recevoir de l'argent pour ne pas déforester
Il s'agit du premier pays africain à être... payé pour lutter contre la déforestation sur son territoire, recouvert à près de 90% par des surfaces boisées.
Norvège et Gabon ont signé un contrat d'un nouveau genre, annoncé au moment où se tient le 23 septembre 2019 à l'ONU à New York le sommet Action climat. La première va accorder au second 150 millions de dollars (136 millions d'euros) pour "la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre dus à la déforestation et à la dégradation, et pour l'absorption de dioxyde de carbone par ses forêts naturelles". C'est ce qui ressort d'un communiqué de l'Initiative pour la forêt de l'Afrique centrale (Cafi), organisme lancé par l'ONU qui rassemble des pays d'Afrique centrale et des bailleurs de fonds occidentaux. Pour la Cafi, qui qualifie cet accord "d'historique", c'est la première fois "que les efforts d'un pays d'Afrique pour lutter contre la déforestation sont ainsi valorisés".
"Ils vont nous payer parce qu'on n'a pas déforesté, parce qu'on a mieux géré l'exploitation forestière et réduit les émissions liées à l'exploitation forestière", a expliqué à l'AFP Lee White, biologiste britannique naturalisé gabonais. Nommé en juin ministre de la Forêt du Gabon, celui-ci est présent à New York pour participer au sommet de l'ONU.
Exploiter la forêt, mais de façon durable
Le Gabon veut continuer à exploiter la forêt pour le bois, mais de façon durable sans la meurtrir, ce qui est possible, estime Lee White. Dans le pays, 80% des émissions de carbone sont liées à l'exploitation forestière, dit-il. C'est-à-dire les arbres abattus pour les routes qu'empruntent les camions ou pour les pistes des bulldozers. Ou ne serait-ce que la façon dont ces végétaux tombent quand ils sont coupés. Quand ils sont écrasés ou abîmés, ils se décomposent et finissent par libérer leur carbone.
"Si on peut réduire la largeur des routes, si on peut couper l'arbre dans une direction qui minimise les dégâts, si on peut réduire la taille des débardages (pistes pour bulldozers), si on augmente le cycle de rotations, il y a beaucoup d'actions qu'on peut entreprendre pour réduire les émissions", explique-t-il. Une chose est sûre : la Norvège ne paiera que si le Gabon y parvient.
Ce pays est situé en plein cœur de la forêt tropicale d'Afrique centrale, appelée "le deuxième poumon de la terre" après l'Amazonie, qui "couvre un territoire aussi vaste que l'Europe occidentale", selon la Cafi. Il est recouvert à près de 90% par des surfaces boisées.
Depuis plusieurs années, les autorités gabonaises ont développé une politique de conservation relativement poussée pour l'Afrique centrale. Le pays possède 13 parcs nationaux, qui couvrent 11% de son territoire, mais aussi 20 aires marines protégées.
Dans le même temps, le Gabon héberge près de 60% des éléphants de forêt qui subsistent en Afrique. Selon la Cafi, il s'agit "d'un indicateur clé de la bonne gestion des ressources naturelles" d'un pays.
Scandale
Début mars, le pays avait été secoué par la découverte d'un vaste trafic de kevazingo, un bois précieux très prisé en Asie et interdit d'exploitation au Gabon. Il sert à fabriquer des meubles, exportés notamment vers la Chine. Ce scandale, qui implique plusieurs sociétés chinoises et des responsables politiques, a montré l'ampleur de la corruption dans l'administration.
Le président Ali Bongo Ondimba avait réagi en procédant à un remaniement ministériel. Il avait ainsi nommé à la tête du ministère des Forêts le professeur britannique Lee White, réputé pour être un écologiste intransigeant. Les stocks saisis vont être mis aux enchères, a dit le ministre. Il espère pouvoir en autoriser de nouveau l'exploitation en 2020 ou 2021. Selon lui, les réserves actuelles de kevazingo permettront d'assurer la production de meubles pendant "12 à 24 mois".
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