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Maroc: le cèdre de l’Atlas, un patrimoine à la dérive

Le cèdre de l’Atlas est en danger. 134.000 hectares sont menacés par le dérèglement climatique, l’abattage clandestin et le sur-pâturage. Le pays cherche désormais à protéger ce précieux patrimoine végétal qui, à lui seul, représente la moitié de la biodiversité marocaine.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Une forêt de cèdres dans la région d'Azrou-Ifrane au Maroc. Le cèdre de l'Atlas peut atteindre plus de 50 mètres de hauteur et 10 mètres de circonférence à la souche. (Photo/Abdenbi Zine El Abidine)

Le cèdre de l’Atlas se meurt. Les écologistes ne cessent de tirer la sonnette d’alarme depuis que cet arbre, connu pour sa résistance et sa longévité (il vit en moyenne 1500 ans), a fait son entrée dans la liste rouge des espèces menacées de disparition établie en 2013 par l’Union internationale pour la conservation de la nature.
 
Les changements climatiques en première ligne
«Le cèdre de l’Atlas est une espèce opportuniste sur le plan hydrique et vulnérable à la sécheresse, explique à Géopolis Zine El Abidine Abdenbi, chercheur et enseignant à l'école forestière d'ingénieurs de Salé, au Maroc. Une grande partie de la cédraie du moyen Atlas oriental et du haut Atlas oriental, soumise à des conditions de sécheresse extrêmes, a disparu depuis longtemps. Il ne reste que quelques vestiges épars très localisés.» En outre, ajoute-t-il, «le déficit hydrique et la chaleur, favorisent souvent l’installation et la prolifération d’insectes ravageurs comme la tordeuse, la chenille des pins, qui favorisent les processus de dégradation du cèdre».

Ebranchage de cèdres par les bergers dans la région d'Azrou-Ifrane au Maroc (Photo/Abdenbi Zine El Abidine)

Dans ce processus de destruction du cèdre, observe l’écologue Michel Tarrier, consultant à l’Institut scientifique de Rabat, chaque arbre qui tombe est une perte séculaire irremplaçable. «Surtout que derrière, il n’y a aucune politique de revivifier la forêt, de régénérer la flore et donc la faune. Le cèdre est une plante qui, à elle seule, représente la moitié de la biodiversité marocaine», précise Michel Tarrier.

C’est l’habitat naturel de plusieurs espèces d’oiseaux et d’insectes, importants pour l’équilibre de l’écosystème qui est à jamais détruit.
 
«Un abattage criminel de cèdres centenaires en toute impunité»
Au Maroc, le cèdre est considéré comme un «trésor national». Il est à la fois un atout touristique, un gagne-pain des bergers et un arbre dont le bois est très prisé des ébénistes pour la fabrication de meubles haut de gamme.

Transport de grumes de cèdres destinées à la fabrication de meubles haut de gamme. (Photo/Abdenbi Zine El Abidine)

Un mètre cube de cèdre se vendrait près de 1300 euros. «La valeur élevée du bois pousse les délinquants à exploiter illégalement les arbres et à les vendre clandestinement. Les délits sont commis souvent par des mafias organisées, dénonce Zine El Abidine Abdebi. Et ces délinquants sont de plus en plus nombreux, «malgré les efforts du département des forêts qui tente de les encadrer par la création de coopératives de bucherons».
 
Chaque année, des milliers d’arbres, dont certains vieux de plusieurs siècles, sont abattus illégalement avec la complicité notamment de quelques gardes forestiers.

Les spécialistes sont formels : l’abattage clandestin du cèdre de l’Atlas risque de perturber l’équilibre écologique d’une région abritant la principale réserve d’eau du Maroc.

«La cédraie de l’Atlas est-elle une fabrique de mouton?»
L’écologue Michel Tarrier parle de «non assistance à nature en danger». Il dénonce particulièrement «les ravages d’un pastoralisme intempestif qui engendre une extinction massive des plantes et de la faune. Tout un chacun vient engraisser son mouton n’importe où dans les forêts de l’Atlas», déplore-t-il.

Troupeau d'ovins dans le voisinage d'une forêt de cèdres dans la région d'Azrou-Ifrane, au Maroc. (Photo/Abdenbi Zine El Abidine)

Le cheptel pâturant en forêt est estimé à 10 millions de têtes. Soit 40% du cheptel national. «Les effectifs des ovins dépassent de loin les capacités de production herbagère, remarque Zine El Abidine AbdenbiSes recherches ont montré que «le système de transhumance pratiqué jadis par les tribus des montagnes n’existe plus en raison de la sédentarisation. Il permettait de soulager les forêts pendant une bonne période de l’année.» Résultat: les éleveurs séjournent en permanence au voisinage des cédraies à la recherche de la nourriture pour le bétail. Ce qui accentue les pressions sur les forêts.
 
Il faut soulager la cédraie de l’Atlas
Selon les spécialistes, le cèdre peut mettre plus de trente ans avant d’atteindre l’âge adulte. Chaque arbre mutilé ne repousse pas avant plusieurs décennies. Pour le chercheur marocain Zine El Abidine Abdenbi, la pression sur les forêts peut être soulagée par le développement économique des régions rurales frappées par le chômage. Il préconise en outre «l’adoption d’une stratégie de gestion intégrant les perspectives des changements climatiques». Sans oublier de «tester des espèces forestières plus adaptées à la sécheresse dans les zones où l’avenir du cèdre est incertain».

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