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Plus de 300 usages pour les baobabs d'Afrique, victimes du changement climatique

Il y a 8 espèces de baobabs dans le monde. Cet arbre possède de multiples usages, alimentaires et médicinaux, entre autres. Eléments clés des écosystèmes de la savane africaine, ils peuvent également être cultivés. Aujourd'hui, ils souffrent du changement climatique. La chercheuse Aida Cuní Sanchez fait le point dans The Conversation.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Au Mozambique (Rosino/Flickr, CC BY-SA) ( Rosino/Flickr, CC BY-SA)

 

9 des 13 plus anciens et plus imposants baobabs africains ont disparu au cours de la dernière décennie. Ces arbres, âgés de 1 100 à 2 500 ans, semblent avoir été victimes du changement climatique. Les scientifiques estiment que la hausse des températures les a soit directement fait périr, soit les a affaiblis, les rendant plus vulnérables à la sécheresse, aux maladies, au feu ou au vent.

Les vieux baobabs ne sont bien sûr pas les seuls arbres à souffrir du changement climatique. Le pin jaune (Pinus ponderosa) de même que les forêts de pins pignons de l’ouest américain disparaissent à un rythme accéléré, à mesure que les étés deviennent plus chauds. À Hawaï, les célèbres ohias (Metrosideros polymorpha), arbres emblèmes de l’archipel, disparaissent eux aussi plus rapidement.

Il existe dans le monde huit espèces de baobab : une en Afrique continentale, Adansonia digitata, dont les individus sont ceux qui peuvent atteindre la plus grande taille et l’âge le plus avancé ; six à Madagascar et une en Australie. Le baobab d’Afrique continentale doit son nom au botaniste français Michel Adanson, qui les a décrits au Sénégal.

Adansonia digitata peut atteindre les 2500 ans (Bernard Dupont/Flickr, CC BY-SA). (Bernard Dupont/Flickr, CC BY-SA)


Troncs multiples et fausse cavité
Le baobab africain est une espèce remarquable. Pas seulement en raison de sa taille ou de sa longévité mais aussi à la manière tout à fait singulière dont son tronc évolue au cours de la croissance : ce dernier résulte en effet de la fusion de plusieurs troncs organisés en cercle et laissant en leur centre une « fausse cavité », unique aux baobabs.

Les baobabs ne produisant pas d’anneaux de croissance annuels, les chercheurs déterminent leur âge par datation au carbone 14, en prélevant des échantillons d’écorce à différents endroits du tronc ; le plus vieux des baobabs d’Afrique continentale – désormais disparu – aurait ainsi atteint les 2 500 ans.

Plus de 300 usages
Les usages du baobab sont multiples, on en a dénombré plus de 300. Ses feuilles, riches en fer, peuvent se manger bouillies à la manière des épinards. Ses graines peuvent être torréfiées pour offrir une alternative au café ou encore pressées pour en extraire une huile utilisée en cuisine ou dans les cosmétiques. La pulpe de ses fruits contient 6 fois plus de vitamine C que les oranges, ce qui en fait un complément alimentaire de choix en Afrique mais aussi en Europe et en Amérique du Nord.

Sur les marchés locaux, cette pulpe est transformée en jus, confiture ou encore fermentée pour donner de la bière. Les jeunes plants de baobab possèdent une racine pivot qui peut être consommée comme une carotte. Ses fleurs sont également comestibles ; ses racines donnent une teinture rouge et son écorce sert à fabriquer des cordes et des paniers.

Le fruit du baobab. Author provided (Author provided)

Les baobabs ont également des vertus médicinales tandis que leurs troncs creux peuvent être utilisés pour y stocker de l’eau au frais. La couronne formée par leurs branches procure de l’ombre, abritant souvent une petite place de marché dans les zones rurales. Et, bien sûr, le commerce des produits issus de ces arbres apporte un revenu non négligeable aux communautés.

 
Une force spirituelle. Shutterstock


Cet arbre occupe une place de choix dans la vie culturelle des communautés, il est très présent dans les récits de la tradition orale africaine. Il apparaît même dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry !

La culture du baobab
Les baobabs ne sont pas uniquement indispensables aux humains. Ils constituent en effet un élément clé des écosystèmes de la savane africaine. Ils permettent tout d’abord de conserver l’humidité dans le sol, favorisent le cycle nutritif et préservent les sols de l’érosion. Ils fournissent d’autre part une source de nourriture, d’eau et d’habitat pour un grand nombre d’animaux. Oiseaux, lézards, singes et même des éléphants peuvent s’y humidifier en mangeant l’écorce quand l’eau vient à manquer.

Les fleurs du baobab sont pollinisées par des chauves-souris qui parcourent de longues distances pour se nourrir de leur nectar. Nombre d’insectes profitent également de l’arbre.

Présents depuis des siècles, les baobabs peuvent tout à fait être cultivés, comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest depuis des générations. Si certains agriculteurs sont découragés du fait que les baobabs peuvent mettre de 15 à 20 ans pour donner des fruits, des recherches récentes ont montré qu’en greffant des branches d’arbres donnant des fruits à de jeunes plants, ces derniers pouvaient à leur tout donner des fruits dans les 5 ans.

Entrée de la cavité du boabab (Shutterstock). (Shutterstock)

Nombre d’arbres dits « indigènes » présentent une grande variété au niveau des propriétés morphologiques et nutritionnelles de leurs fruits. Il faut des années de recherche et de sélection pour mettre au point les meilleures espèces pour la culture. Ce processus – appelé domestication – se distingue du génie génétique et consiste à sélectionner et à cultiver les meilleurs arbres disponibles dans la nature. Si cette méthode peut sembler simple, elle requiert du temps… et pendant ce temps nombre d’arbres disparaissent.


La disparition des plus anciens baobabs est d’une grande tristesse, mais espérons que cela nous motive à protéger les arbres encore debout et à les surveiller de près. Et si les scientifiques affinent et améliorent le processus d’identification des meilleurs sujets pour la culture, ils deviendront peut-être aussi communs que les pommes ou les oranges sur les étals de nos marchés.The Conversation

Aida Cuní Sanchez, Postdoctoral Research Associate, University of York
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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