Coronavirus au Gabon : la viande de pangolin n'a plus la cote sur les étals des marchés
Les ventes de pangolins, soupçonnés de véhiculer le coronavirus, plongent au Gabon par crainte de la propagation du Covid-19 sur le territoire.
Le petit mammifère à écailles tiendrait-il sa revanche ? Autrefois très prisée sur les marchés de Libreville, la capitale du Gabon, la chair de pangolin a perdu beaucoup de clients depuis qu'elle est soupçonnée de véhiculer le nouveau coronavirus. Sur les marchés, l'animal est désormais dissimulé derrière les pattes de sanglier et les carcasses de porc-épic par les marchands de viande de brousse.
Avant l'épidémie de Covid-19, qui se répand progressivement en Afrique, la vente de pangolin, espèce en voie de disparition car la plus braconnée au monde, battait son plein, bien qu'elle soit illégale dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Aujourd'hui, personne ne se vante plus d'en faire commerce et les stocks sont vendus sous le manteau.
Les acheteurs chinois ont disparu
La raison se trouve à environ 11 000 km de là : début février 2020, une équipe de chercheurs chinois a en effet pointé la responsabilité du pangolin dans la transmission à l'homme du nouveau coronavirus, lui aussi apparu en Chine, dans la ville de Wuhan, avant d'atteindre la planète entière. Depuis 2007, une petite communauté chinoise, composée de commerçants et d'hommes d'affaires, s'est progressivement installée au Gabon. Le pays s'enorgueillit d'ailleurs d'une amitié avec la Chine vieille de plus de 45 ans.
En écho à la pandémie de Covid-19 qui n'a pas encore atteint leur territoire, en dehors de quelques cas, les langues des Gabonais se délient. Dans l'un des nombreux marchés de Libreville, tous affirment que les acheteurs chinois très friands de pangolins ont maintenant disparu des allées. Au Gabon, personne n'a, disent-ils, attendu les Asiatiques pour se délecter de la viande de pangolin considérée de tous temps comme un mets de choix. "N'apportez pas la maladie ici", s'écrie ainsi Mélanie à leur intention, elle qui se présente comme la porte-parole des vendeurs de viande de brousse sur le site d'info 24News.
Des écailles au prix de l'ivoire
Ce que les locaux comprennent moins, c'est l'engouement des ressortissants chinois pour les écailles du pangolin, parées de vertus sanitaires mais surtout aphrodisiaques, sans qu'aucune preuve scientifique ait jamais été apportée.
Utilisées en médecine chinoise, les carapaces de l'animal sont vendues à un prix très élevé à des dealers en Chine, explique Luc Mathot, directeur de l'ONG Conservation Justice. A "1 000 dollars le kilo, c'est plus ou moins le tarif de l'ivoire", s'exclame-t-il en qualifiant ce prix de "ridicule" puisque les écailles "sont en kératine, comme les ongles".
Ces cours élevés stimulés par la demande chinoise ont jusqu'à présent encouragé le braconnage et le trafic au Gabon comme en Centrafrique, en République démocratique du Congo ou au Nigeria, sans que les gardes forestiers, manquant de moyens, puissent réagir. Le pangolin, facile à attraper, est une aubaine pour les chasseurs sur la piste d'un autre gibier dans les grandes forêts, la "cerise sur le gâteau" en quelque sorte, explique Pauline Grentzinger, vétérinaire au parc national de la Lekedi. Pour elle, il n'est cependant pas interdit de penser que, paniqués par la menace de l'épidémie du nouveau coronavirus, les trafiquants lèvent le pied et renoncent pour un temps à leur sinistre négoce. Côté chinois, les autorités ont également officiellement interdit le commerce d'animaux exotiques. A défaut d'être sauvé par le Covid-19, le pangolin devrait au moins connaître une période plus ou moins longue de sursis.
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