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Chibeze Ezekiel, le militant qui a convaincu le Ghana de renoncer à une centrale à charbon

Cet exploit écologique a été salué par le Goldman Environmental Prize dont Chibeze Ezekiel est le lauréat 2020 pour le continent africain. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Chibeze Ezekiel est le lauréat 2020 pour l'Afrique du prestigieux Goldman Environmental Prize (Prix Goldman pour l'environnement) qui distingue des écologistes.  (GOLDMAN ENVIRONMENTAL PRIZE)

Grâce à lui, son pays a abandonné un projet de construction d'une centrale à charbon de 700 mégawatts qui aurait été la première sur le territoire. Le Ghanéen Chibeze Ezekiel est à 41 ans l'un des six lauréats 2020 du Goldman Environmental Prize (Prix Goldman pour l'environnement), une prestigieuse récompense pour les militants écologistes.

"C'était une grosse surprise ! Nous étions pris par nos différentes activités et campagnes quand cette nouvelle inattendue nous est parvenue", a-t-il confié à franceinfo Afrique à propos de cette distinction rendue publique le 30 novembre 2020. 

Pour le coordinateur de 350 Ghana Reducing our Carbon (350 G-ROC) – qui est une ONG environnementale ghanéenne affiliée au mouvement 350.org –, l'aventure commence en 2013 quand le Ghana annonce son intention de construire une centrale à charbon en partenariat avec la Chine. 

350 G-ROC, qui a été créée en juillet 2013 par sept jeunes, se mobilise alors pour sensibiliser aux dangers de cette énergie dans la région où l'usine doit surgir de terre, à savoir la Western Region (Région occidentale) au sud du Ghana. Grâce aux médias et aux réseaux sociaux, le message de 350 G-ROC se diffuse largement dans le pays. 

Un interlocuteur pour les populations locales

Deux ans plus tard, en décembre 2015, le projet semble véritablement se concrétiser. Les autorités ghanéennes lancent une consultation publique en janvier 2016 : les populations sont ainsi appelées à exprimer leurs éventuelles préoccupations quant à la construction de l'usine. "C'est la procédure au Ghana quand le gouvernement se lance dans un projet qui touche à l'environnement", explique Chibeze Ezekiel. Entre temps, la localisation de l'usine a changé. Elle est désormais censée voir le jour à Ekumfi, dans le centre du pays. 

Tout au long de l'année 2016, Chibeze Ezekiel et les militants de 350 G-ROC, alors pour la plupart étudiants, arpentent la région à la rencontre des populations locales."Quand nous sommes arrivés là-bas, les gens étaient inquiets. Jusque-là, seules les autorités leur parlaient de la centrale à charbon. Ils n'avaient aucun autre interlocuteur. Quand nous sommes allés à leur rencontre, ils ont réalisé qu'il y avait des personnes qui s'inquiétaient de leur sort. Par conséquent, ils se sont ouverts à nous et ont exprimé leurs préoccupations. Cela nous a encouragés dans la mesure où des gens de la communauté devenaient nos partenaires et nos alliés dans cette campagne."

Le plaidoyer de 350 G-ROC, qui s'appuie sur des données scientifiques – notamment sur les conséquences de la création du projet sur la vie sous-marine , ne se contente pas de dénoncer les méfaits du charbon. Il propose aussi des alternatives. "Nous soulignions que les énergies renouvelables constituaient une option préférable au charbon. C'était le message de notre campagne."

Celle-ci finit par payer. En octobre 2016, le ministre ghanéen de l'Environnement annonce lors d'une conférence de presse l'abandon du projet. "L'un de nos principaux arguments a été de faire valoir qu'il n'était pas logique pour le Ghana de se lancer dans le charbon alors qu'il venait de signer l'Accord de Paris. Nous ne pouvions pas être partie prenante d'un accord qui vise à réduire nos émissions de CO2 pour finir par construire une usine qui les augmenterait." 

Chibeze Ezekiel et ses compagnons ont aussi remporté la bataille en s'appuyant sur les énergies renouvelables qu'ils continuent de promouvoir aujourd'hui. "Nous ne nous sommes pas reposés sur nos lauriers. Nous avons lancé une nouvelle campagne pour sensibiliser les populations aux énergies renouvelables que nous avions déjà promues auparavant", indique l'activiste. "Quand nous allons, par exemple, à la rencontre des populations qui n'ont pas accès à l'électricité, nous leur fournissons des lampes qui fonctionnent à l'énergie solaire. Ils ont ainsi une preuve tangible de ce que sont les énergies renouvelables."

Former des futurs militants écologistes

En somme, "depuis 2016, poursuit Chibeze Ezekiel, nous faisons de la pédagogie auprès du public à propos de ces énergies afin que les gens comprennent de quoi il s'agit. S'ils savent de quoi il est question, ils en demanderont davantage. Ce qui encouragera les investissements dans le renouvelable", ajoute-t-il. "Je suis heureux d'affirmer que le Ghana a fait du progrès dans ce domaine, même s'il reste encore beaucoup à faire. Depuis février 2019, le pays dispose d'une stratégie de développement des énergies renouvelables à l'horizon 2030. Le Ghana a déjà fait beaucoup de progrès en matière d'énergie solaire. Nous avons environ 200 îles dont certaines ne sont pas raccordées au réseau électrique. Le gouvernement est en train d'installer des réseaux solaires dans ces endroits afin que les habitants puissent bénéficier d'une fourniture énergétique", précise le militant écologiste. 

L'autre cheval de bataille de Chibeze Ezekiel est de contribuer à faire entendre la voix des jeunes quand il est question d'environnement et de changement climatique au Ghana. C'est la raison d'être du Strategic Youth Network for Development (SYND), une organisation qu'il a lancée en 2008. "Aujourd'hui, nous sommes soutenus par l'ambassade de France au Ghana pour développer une stratégie quant à la façon d'impliquer la jeunesse sur la question du changement climatique au Ghana. Nous sommes en train d'œuvrer à la mise en place d'une jeune génération de militants qui plus tard mettra le gouvernement ghanéen face à ses obligations climatiques."

Et il commence s'adresser à eux très tôt, dès l'école. "Nous leur expliquons pourquoi il est nécessaire de planter des arbres, pourquoi il est inutile d'allumer la lumière dans la journée ou encore pourquoi il ne faut pas gaspiller l'eau quand ils se lavent parce que cette ressource se raréfie. S'ils comprennent tout cela à leur âge, il leur sera facile d'intégrer ces gestes dans leur quotidien afin de préserver l'environnement." 

Après avoir distingué une génération de militants écologistes africains, comme la Kényane Wangari Maathai ou le Nigérian Ken Saro-Wiwa, le Prix Goldman pour l'environnement consacre l'éclosion d'une nouvelle génération d'activistes africains qui œuvre de façon concrète sur le terrain. 

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