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Le Ghana veut en finir avec les coupures d’électricité

L’Afrique souffre de son manque d'électricité. Peu de pays y échappent, et cela freine les perspectives de développement économique, industriel ou tertiaire. Ainsi le Ghana, longtemps cité en exemple pour sa forte croissance, est aujourd’hui en panne. La pénurie électrique est largement responsable de cette situation qui se dégrade. Aussi le pays fait un double pari, sur le solaire et le gaz.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Mis en service en 1966, le barrage d'Akossombo fournit la quasi totalité de l'électricité du Ghana. (Issouf Sanogo/AFP)

L’Afrique sub-saharienne produit moins d’électricité que la Corée du Sud, alors que sa population est 18 fois supérieure. Dans ce cadre, la situation du Ghana est exemplaire.

Le président du Ghana, Nana Afuko-Addo élu en décembre 2016, est arrivé à la tête d’un Etat endetté, soutenu à bout de bras par le FMI qui lui a accordé un prêt de 855 millions d’euros. Dans ce contexte, la fourniture électrique est un casse-tête et un gouffre financier. La facture ne cesse de s’alourdir et s’élève à 2,2 milliards d’euros chaque année.

«Dumsor»
Un gouffre financier et un service mal en point, tant les coupures sont fréquentes. En langage Twi, on leur a même donné un nom: «dumsor», jeu de mots jeu qu’on peut traduire en «marche/arrêt». Parfois les dumsors peuvent durer 48 heures, perturbant la vie quotidienne mais aussi l’économie du pays, relate le Guardian. «J’ai perdu mon travail d’opérateur dans une usine de peinture à cause des coupures d’énergie», dit un homme de 54 ans au journaliste du quotidien.

L'artiste Ghanéenne Yvonne Nelson a pris la tête du mouvement de contestation contre les coupures.

En mai 2015, les «people» de la capitale Accra avaient organisé une manifestation pour protester contre le nombre élevé de dumsors. Selon Al-Jazeera, le pays a connu 159 jours sans électricité en 2015. Les petits commerces et les ateliers qui ne possèdent pas de générateur, ne travaillent plus. Les pertes, selon l’AFP qui cite l’Institut ghanéen de recherche statistique, s’élèvent à deux millions de dollars par jour à cause de la pénurie. A cela, il convient d’ajouter le coût du carburant pour faire tourner les groupes électrogènes pour ceux qui en possèdent. L’usage de ces groupes, par voie de conséquence, fait flamber le prix du carburant, importé du Nigeria voisin.
 
Au départ, la sécheresse
Pourtant, en janvier 1966, le Ghana entrait dans une nouvelle ère. Le barrage d’Akosombo, sur le fleuve Volta, le bien-nommé, devait apporter des milliers de mégawatts au pays, et avec eux richesse et prospérité. Bref le développement prenait pied au Ghana. Mais la sécheresse est passée par là. Et depuis 2012, le barrage ne fournit plus que 67% de ses capacités, soit 700 MW au lieu de 1000 MW.

Or, dans le même temps, en 50 ans, la demande d’électricité a explosé au Ghana, atteignant un pic de 1126 GW/h en 2015. Le pays est au second rang du continent, derrière l’Afrique du Sud pour l’accès au réseau électrique. Et cela n’est pas fini. Les experts du pays estiment, écrit La Tribune, que le Ghana aura besoin de 2000 MW supplémentaires dans les cinq années à venir. Trop dépendante du barrage, la compagnie nationale ECG n’a pas d’autres choix que de couper certains clients. En général, ces coupures sont programmées, mais elles deviennent de plus en plus sauvages.
 
Les réponses
Les réponses sont multiples, entre urgence et développement à long terme. La plus étonnante est sans doute la barge Karadeniz Powership à quai dans le port de Tema depuis novembre 2015. Ses six turbines produisent 210 MW, soit 11% des besoins du pays. Une solution rapidement mise en place et opérationnelle. Dix jours après avoir accosté, la barge fournissait de l’électricité. Ce générateur, utilisant du fuel lourd, permet au Ghana d’économiser 120 millions de dollars par an, selon la compagnie turque Karadeniz, propriétaire du complexe.
 
La barge Karadeniz Powership dans le port de Tema au Ghana. (Karadeniz Energy)

Le président Nana Afuko-Addo veut également développer la filière solaire. L’objectif est d’atteindre 2 à 3% de la production électrique totale. Il s’agit notamment d’alimenter des collectivités qui ne sont pas raccordées au réseau. Ainsi, 38.000 foyers pourraient enfin être éclairés. Mais ce programme, lancé par le précédent président John Dramani Mahama patine. Il prévoyait d’installer 200.000 panneaux photovoltaïques chez des particuliers ou des entreprises. Or, seulement 400 ont été placés. Car, si les panneaux sont gratuits, les frais d’installation de 1500 dollars sont à la charge du client. Un prix sûrement dissuasif quand le quart des 27 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
 
En attendant le gaz
Alors, le Ghana compte aussi sur des moyens lourds. En avril 2017, le pays a lancé la construction, toujours dans le port de Tema, d’une centrale qui fournira 400 mégawatts à terme. Le programme Bridge Power s’élève à un milliard de dollars. En 2018, il devrait permettre de fournir près du cinquième des besoins. Le système retenu est mixte, pétrole et GPL. Il est surtout évolutif. Ainsi, la centrale thermique pourra fonctionner exclusivement au gaz naturel si les ressources du golfe de Guinée sont à la hauteur des espoirs. «Cela devrait contribuer à faire avancer notre stratégie, destinée à tirer profit du gaz naturel en tant que source d'énergie et, à long terme, à le placer au cœur du fonctionnement du secteur» a estimé le président Nana Afuko-Addo.
 
Ainsi dans deux à trois ans, les «dumsors» ne seront peut-être plus qu’un lointain souvenir.

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