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Libye : le "mandat" du maréchal Haftar, "une farce" selon Tripoli

L'homme fort de l'Est libyen annonce avoir obtenu "le mandat du peuple" pour diriger le pays. Une déclaration dénoncée par le gouvernement de Tripoli.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Photographie extraite de la déclaration télévisée du maréchal Khalifa Haftar, le 28 avril 2020. (- / LNA WAR INFORMATION DIVISION)

Ainsi donc, le maréchal Haftar, chef du LNA, a reçu mandat du peuple libyen pour protéger le pays. Il l'a lui-même annoncé à la télévision le lundi 27 avril au soir. Selon le chef militaire, le parlement de Tobrouk, à l'est du pays, lui a remis les pleins pouvoirs. "Une farce", a dénoncé le lendemain l'autre pouvoir, celui de Tripoli, dûment reconnu par les instances internationales, qui dirige la partie occidentale du pays. Car cette déclaration tonitruante ne change rien à la situation de la Libye, toujours coupée en deux et gérée par deux instances qui se font la guerre. Haftar n'a aucune légitimité sur la région de Tripoli.

Et c'est sans doute la situation militaire qui a poussé Haftar à cette déclaration, qui laisse les observateurs circonspects quant aux implications politiques. Ces derniers jours sur le terrain, les troupes du LNA d'Haftar ont dû reculer. L'offensive pour prendre la capitale ressemble de plus en plus à un échec. Le gouvernement de Tripoli bénéficie du soutien de l'armée turque, décisif dans le contrôle des airs.

Echec militaire

"Il est clair que l'offensive sur Tripoli a échoué", a commenté Mohamed Buisier, un expert de la politique libyenne. "Il tente maintenant de tenir sa position dans l'est de la Libye, tant militairement que politiquement", a expliqué Mohamed Buisier à Al Jazeera.

Le maréchal Haftar a-t-il voulu reprendre la main en montrant qu'il reste incontournable malgré tout ? Le 27 avril, il a également annoncé "la fin de l'accord de Skhirat", signé en 2015 au Maroc sous l'égide de l'ONU et dont est issu le GNA, basé à Tripoli. Ce n'est pas la première fois qu'il dénonce cet accord qui "a détruit le pays" selon lui. "Nous allons travailler à reconstruire des institutions civiles pérennes", a-t-il encore déclaré le même jour.

Critiques internationales

En tout cas, la démarche du maréchal Haftar a fait l'unanimité contre elle, y compris de la part la Russie que l'on dit pourtant proche. "Nous n'approuvons pas la déclaration du maréchal Haftar, selon laquelle il décidera unilatéralement de la façon dont le peuple libyen vivra", a réagi le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov. Aucune des parties rivales "n'aide à trouver un compromis stable", a-t-il déploré.

"Pour nous, l'accord politique libyen, les institutions qui en découlent, restent le seul cadre de gouvernement internationalement reconnu en Libye", a déclaré de son côté le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric. Paris est plus nuancé. Il n'appelle pas comme l'ONU au strict respect de l'accord de Skhirat, mais "à un dialogue entre les parties sous l'égide de l'ONU". La solution ne pouvant pas venir "de décisions unilatérales".

La déclaration d'Haftar ressemble à un coup d'épée dans l'eau. Mais elle rappelle à tous qu'il n'est pas écarté du jeu et qu'aucune solution pour sortir de la crise ne se fera sans lui.

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