Journalistes tués au Mali : confusion autour de l'arrestation de suspects
Selon la gendarmerie malienne, une dizaine de suspects ont été interpellés. Mais le ministère français de la Défense dément.
Le double meurtre n'a toujours pas été revendiqué. Mais plusieurs pistes se dessinent autour de l'identité des ravisseurs de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, les deux journalistes de RFI abattus par balles samedi 2 novembre à Kidal, au Mali. En revanche, la confusion règne sur d'éventuelles interpellations. Alors que la gendarmerie malienne affirme qu'une dizaine de suspects ont été arrêtés depuis l'assassinat, le ministère français de la Défense dément une quelconque arrestation. Mais selon une source proche du ministre Jean-Yves Le Drian, les forces françaises disposent "d'indications permettant de remonter la trace" des meurtriers.
Des "opérations pour identifier un certain nombre de personnes dans des campements" ont été lancées dimanche et sont toujours "en cours" lundi, rapporte pour sa part le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Des policiers français doivent quitter Paris pour Bamako, lundi, afin d'enquêter.
Francetv info récapitule les éléments connus à ce jour et les différentes hypothèses.
Les ravisseurs parlaient la langue des Touareg
C'est le principal témoignage dont disposent pour l'instant les enquêteurs. Selon Ambéry Ag Rhissa, le représentant du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), qui venait d'être interviewé par les deux journalistes et qui a assisté à l'enlèvement, les agresseurs parlaient tamachek, la langue des Touareg.
Kidal est le berceau de la communauté touareg et du MNLA, un mouvement qui souhaite l'indépendance de l'Azawad, la partie nord du Mali. L'organisation a condamné les crimes et a promis de "tout mettre en œuvre pour identifier les coupables".
Mais comme tous les groupes dans la région depuis l'intervention française, le MNLA est aujourd'hui "parcellisé et divisé", note le député socialiste François Loncle, auteur d'un rapport parlementaire sur le Sahel. "Il y a notamment ceux qui acceptent le dialogue avec le sud [du Mali], et les jusqu'au-boutistes" qui le refusent, ajoute-t-il.
Les Touareg du MNLA ne sont cependant pas les seuls à parler le tamasheq. Les islamistes d'Ansar Dine le parlent aussi. Sur Twitter, l'ancien ministre des Affaires étrangères malien, Tiébilé Dramé, affirme que depuis "fin septembre des commandants d'Ansar Dine paradent dans Kidal au vu et au su de tous. Le retour de militants islamistes est connu."
Un mode opératoire inhabituel
Comme le relève La Croix, le meurtre des deux journalistes ne correspond pas au mode opératoire des trois principaux groupes présents dans la région, le MNLA, les islamistes d'Ansar Dine et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Selon le quotidien, "les ravisseurs peuvent être proches de l'un de ces mouvements qui espéraient pouvoir les revendre à Aqmi ou Ansar Dine, une fois la frontière algérienne traversée".
Pourquoi, alors, avoir décidé de tuer les otages ? Les journalistes enlevés ont-ils été exécutés alors que les ravisseurs tentaient d'échapper à leurs poursuivants? Selon le porte-parole de l'état-major français, le colonel Gilles Jaron, les forces françaises basées à l'aéroport de Kidal, alertées de l'enlèvement, ont envoyé une patrouille et deux hélicoptères sur zone. Mais ils ont découvert les corps des deux journalistes sans avoir vu ou affronté les meurtriers.
L'autre piste est celle d'un assassinat. "Les jihadistes considèrent que les journalistes français sont des ennemis, au même titre que les soldats envoyés les combattre", écrit encore La Croix. Depuis l'opération Serval au Mali, les journalistes français sont plus exposés.
Un différend financier au sein d'Aqmi ?
Selon RTL, la piste d'Aqmi est privilégiée par les services de renseignements français. Elle reste "la plus probable", confirme Pierre Boilley, directeur du Centre d'études des mondes africains. Le spécialiste ne voit "aucun intérêt" pour le MNLA à enlever ou tuer des journalistes français.
Les meurtres de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon sont intervenus quatre jours seulement après la libération de quatre otages français, détenus par Aqmi pendant plus de trois ans dans la région.
La presse française a évoqué, dimanche, l'hypothèse d'un différend financier entre groupes armés autour de la rançon qui aurait été versée – 20 millions d'euros selon certaines sources – pour obtenir la libération des quatre otages français. "Est-ce que la répartition des rançons versées a été équitable ? s'interroge l'anthropologue André Bourgeot, spécialiste des mouvements touareg dans la région. Il n'est pas impossible que certains, au sein d'Aqmi, se soient sentis grugés."
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